Une étude publiée hier dans le "Lancet" par les Drs Gilda Sedgh du Guttmacher Institute (New York) et Iqbal Shah de l'OMS tord une idée reçue: Les femmes sont tout autant susceptibles d'avoir recours à l'avortement dans les pays où il est interdit que dans ceux où il est légal.
Dans cette étude des évolutions de l'avortement entre 1995 et 2003, les experts relèvent qu'au cours de la période considérée, les taux d'avortement étaient pratiquement égaux dans les pays développés et dans ceux en développement, et que plus de la moitié des interruptions volontaires de grossesse dans le monde étaient pratiquées dans des conditions dangereuses.
"Le statut légal de l'avortement n'a jamais dissuadé les femmes et les couples, qui, pour une quelconque raison, cherchent à mettre terme à une grossesse", souligne Beth Fredrick, de l'International Women's Health Coalition aux Etats-Unis, dans un commentaire accompagnant l'article.
L'avortement est la cause de mortalité maternelle dans 13% des cas dans le monde.
Près de 70.000 femmes meurent chaque année d'avortements dangereux et près de 5 millions de femmes souffrent de blessures permanentes ou temporaires.
"Le taux élevé continu d'avortements dangereux dans les pays en développement représente une crise de santé publique et une atrocité au niveau des droits de l'Homme", écrit-elle encore.
Le nombre d'avortements dans le monde a légèrement diminué, passant de 46 millions en 1995 à 42 millions en 2003 (voir un article relatif au programme d'études sexualité et contraception et un sur lesIVG en France et la conférence de Mme Veil). Mais il n'y a pas de changement concernant le taux d'avortements dangereux. Près de la moitié sont réalisés illégallement dans des conditions potentiellement dangereuses.
"La seule façon de faire diminuer l'avortement dangereux est d'augmenter la contraception", observe Sharon Camp, présidente de l'institut Guttmacher, organe de réflexion basé à New York, qui a contribué à l'enquête et qui note que davantage de pays permettent aux femmes d'avoir recours de façon légale à l'avortement, mais que beaucoup de femmes ne bénéficient d'un suivi médical qu'après un mauvais déroulement de la procédure.
La grande majorité des avortements - 35 millions - ont lieu dans les pays en développement.
Près de 97% des IVG dangereux sont pratiqués dans les pays pauvres.
Dans le monde, 1 grossesse sur 5 finit par un avortement et 9 sur 10 se feront avorter avant d'avoir 45 ans, selon le rapport, qui cite des données de 2003.
En Europe de l'Est, il y a plus d'avortements que de naissances: 105 avortements pour 100 naissances.
En Europe occidentale, le différentiel est de 23 avortements pour 100 naissances.
En Amérique du Nord, on compte 33 avortements pour 100 naissances, alors qu'en Afrique, où l'avortement est illégal dans la plupart des pays, 17 avortements sont pratiqués pour 100 naissances.
Les données des experts proviennent de statistiques gouvernementales, de données hospitalières et de sondages nationaux.
Améliorer la santé des femmes signifie accroître l'accès à l'avortement autorisé, expliquent les experts. Ceux-ci critiquent les restrictions qui accompagnent souvent les dons d'argent. Par exemple, les fonds du gouvernement américain ne peuvent pas être utilisés pour des services de santé associés à l'avortement.
Dans la mesure où les avortements médicalisés dépendent d'un système d'assurance santé qui fonctionne, les experts constatent que s'attaquer à ce problème est difficile. Ils observent également que l'aide apportée aux femmes s'est peu améliorée.