Les progrès en réanimation et en néonatologie permettent de sauver un nombre croissant de bébés nés avant terme. Ils permettent aussi de garder en vie des grands prématurés nés de plus en plus tôt, jusqu'à 24 semaines de grossesse.
Le phénomène des naissances avant terme est par ailleurs accentué par des maternités plus tardives et des traitements de l'infertilité se traduisant aussi par plus de grossesses multiples.
Aujourd'hui en Europe, 1,1% à 1,6% des enfants nés vivants sont des grands prématurés, c'est-à-dire nés avant la fin du 7e mois de grossesse soit avant 33 semaines de grossesse révolues. En France, 10.000 grands prématurés naissent chaque année.
Mais ces bébés sont plus fragiles et peuvent garder des séquelles - parfois durant toute leur vie.
Pour la première fois, une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale français (INSERM) Epipage, publiée dans la revue britannique The Lancet, offre un bilan chiffré des problèmes dont ils peuvent souffrir et montre notamment qu'à l'âge de cinq ans, près de 40% des enfants nés grands prématurés présentent des déficiences motrices (certains ne marchent pas), mais aussi sensorielles et intellectuelles.
L'étude a débuté en 1997 ; 1 817 anciens grands prématurés ont été suivis jusqu'à leur cinquième anniversaire, date à laquelle a été établi leur bilan de santé, ainsi que 396 enfants nés à terme servant de groupe de comparaison.
Les auteurs de l'étude ont ainsi observé que 42% des enfants nés entre 24 et 28 semaines de grossesse et 31% de ceux nés entre 29 et 32 semaines nécessitent une prise en charge spécialisée à 5 ans, contre 16% de ceux nés à terme.
Les taux de déficience sévère, modérée et légère sont respectivement de 5%, 9% et 25%. Parmi ces grands prématurés, 9% ont une paralysie cérébrale (infirmité motrice cérébrale provoquant des troubles moteurs) : un tiers de ces enfants ne marchent pas ou seulement avec une aide.
"L'altération du développement intellectuel est particulièrement préoccupante", souligne le Dr Béatrice Larroque, de l'INSERM, qui a coordonné l'étude : 32% ont un score de capacités cognitives (équivalent au QI) inférieur à 85 (en dessous de la normale) et 12% un score inférieur à 70, équivalent au retard mental. Selon elle, "entre l'ensemble des grands prématurés et les enfants nés à terme, la différence est 11 points, avec un score de 93,7 contre 106 en moyenne". Mais si l'on considère les plus prématurés des grands prématurés (nés à 24-25 semaines), la différence est de 18 points (88 contre 106).
Les taux de déficience sur le plan moteur, visuel et intellectuel sont d'autant plus élevés que les enfants sont nés plus prématurément : 18% des enfants nés à 24-26 semaines de grossesse souffrent de paralysie cérébrale à 5 ans, contre 12% de ceux nés à 29 semaines et 4% de ceux nés à 32 semaines. Environ 5% des grands prématurés (contre 2% des nés à terme) n'ont pas achevé le test. Ce qui laisse penser que les difficultés intellectuelles des grands prématurés, source de problèmes d'apprentissage à l'école, peuvent être sous-estimées.