La proposition de loi portant création d'une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants n'a pas été adopté selon les mêmes termes au Sénat le 11 février 2009 (qu'à l'assemblée Nationale le 16 décembre 2008, voir le compte-rendu) où j'étais invité. Les sénateurs ont repoussé les dispositions de cette proposition d'un an. Le texte sera à nouveau examiné par l'Assemblée. le gachis tant dénoncé des étudiants en première année va donc encore durer un an.
La discussion générale a commencé à 21h45 appelant à la discussion de cette proposition de loi. Une minute de silence était marquée suite à l'annonce du décès d'un militaire français en Afghanistan.
Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, ouvre cette discussion et souligne son grand plaisir de soutenir ce texte et son amitié pour le sénateur Etienne. Elle souligne l'ouvrage écrit par lui-même en 1997 et cosigné par Jean-François Mattéi et Jean-Michel Chabot. Elle remercie également le président de la commission des affaires culturelles Nicolas About et le rapporteur Gérard Dériot et salue l'initiative parlementaire sur cette question de la première année des études de santé. Elle rappelle que ce sont 57 000 jeunes qui sont concernés par la première année de médecine et de pharmacie avec un taux d'échec de 80% en médecine et 72,4% en pharmacie et une perte de 2 ans d'études en médecine puis 2 en pharmacie dans certains cas.
La licence doit être selon la ministre une chance pour les enfants et faciliter l'insertion et la réorientation. La réforme de la première année de licence fait l'objet du plan Réussite en licence. Il ne faut pas laisser les études de santé de côté. Le but est d'amener 50 % d’une classe d’âge vers son chemin de réussite et « On en est loin en études de santé » indique la ministre. Elle souligne également que le plan « Réussir en licence » signifierait, pour les études de santé, entrer dans le système licence-master-doctorat et le processus de Bologne. Cela signifierait aussi mettre fin à la sélection par défaut du concours unique pour organiser une première année d’études commune aux quatre professions de médecins, pharmaciens, dentistes et sages-femmes. La coopération entre les professionnels de santé doit donc exister dès la première année de formation. Une année commune sanctionnée par quatre concours distincts, cela permettra à chaque étudiant de construire son parcours de réussite en fonction de ses motivations, et donc de sa vocation. C’est lui qui choisira la carrière qu’il souhaite embrasser. Cette année commune ne devra plus être orientée seulement vers le concours mais aussi vers d’autres parcours de formation et en cela une nouvelle maquette est élaborée par des équipes pédagogiques engagées depuis de longs mois dans cette réforme. Un point d'orgue doit aussi permettre les passerelles entrantes pour les étudiants n'ayant pas pensé effectuer des études de santé dès le baccalauréat ou ayant cette vocation tardive. La proposition doit donc réduire le taux d'échec et mieux orienter les étudiants. La mission de Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences avait émis 10 recommandations. Emmener les plus fragiles vers la réussite conclut son intervention. La ministre, en rappelant les 25% d'augmentation des moyens pour les UFR de santé en 2009 via le plan Réussite en licence et la mise en place de tutorat, insiste sur le fait que ces services travaillent à la rédaction des arrêtés d'application.
Jean-Claude Etienne, rapporteur de la commission des affaires culturelles, indique que sur 57 000 étudiants, ce sont 44 509 étudiants qui échouent en première année de médecine et de pharmacie. Pour ceux ayant un résultat insuffisant, un rattrapage doit leur permettre de revenir en ayant plus de chances de réussir ce concours après avoir reçu un complément de formation dans les discilpines où ils sont insuffisamment préparés. L'échec est souvent perçu comme une meurtrissure rédhibitoire.
Il a été rappelé d'une part que l’accès des jeunes Français aux études de santé s’apparente à un véritable parcours du combattant pour initiés, au moment même où l’on met en place en Europe, à la suite des accords de Bologne, le principe de formations par unités d’enseignement semestrialisées, préfigurant la généralisation du système licence-master-doctorat et d'autre part que le choix est souvent par défaut suite à une hiérarchisation des choix entre médecine, odontologie et maïeutique, selon les termes du rapporteur.
La culture commune, élargie avec cette passerelle des pharmaciens, sera renforcée. Les pharmaciens sont déjà présents dans l’équipe soignante, notamment pour la gouvernance des thérapeutiques. Aujourd’hui, un centre de soins ne peut plus concevoir une thérapeutique lourde ou structurée sans un pharmacien. Deux points sont rappelés: les candidats titulaires de master, de diplômes d’écoles de commerce ou d’instituts d’études politiques pourront désormais intégrer cette filière et le droits au remords, permettant un accès en deuxième année après 4 ans validées a reçu un avis favorable de la Conférence des Présidents d'Université et de la Conférence des doyens d'UFR de pharmacie. Il souhaite pour respecter la crainte d'une minorité de scolarités d'UFR le report d'un an de cette réforme.
Gérard Dériot, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, déclare que ce texte vise à réformer le début du parcours des professionnels de santé dans notre pays et à remédier aux défauts du système actuel et, en particulier, à accroître les chances des étudiants qui souhaitent s’engager dans des études de santé. L’un des apports essentiels de cette réforme est d’associer les quatre branches des professions de santé, qui doivent aujourd’hui travailler en permanence ensemble. Il insiste sur le fait de favoriser la réorientation rapide des étudiants ayant les plus grandes difficultés, le but étant de limiter le nombre des redoublements à l’issue de la première année; celui de rapprocher les quatre filières; d’améliorer la pédagogie en accompagnant le parcours de l’étudiant et en améliorant son encadrement et d’offrir de nouvelles passerelles entrantes et sortantes. Après audition des doyens, il affirme qu'il existe un véritable consensus sur le principe de la réforme que tous attendent et qui devrait permettre de remédier, au moins en partie, aux défauts du système actuel. Même les étudiants en pharmacie, au départ sceptiques sur cette première année commune, nous ont indiqué qu’ils en acceptaient désormais le principe. Cependant, il annonce que le calendrier fait moins consensus.
Serge Lagauche, socialiste, médecin, annonce une proposition inaboutie et une énième réforme irréaliste. La date butoir d'application du processus de Bologne étant en 2010, il propose cette date comme application de cette réforme. Il se questionne également sur le pourquoi de seulement 4 professions retenues pour cette Licence 1 santé. Il souligne que rien ne garantit que la réorientation à l’issue du premier semestre se fera sur le mode du volontariat, qu'il manque d’information sur les filières que les étudiants pourront intégrer au second semestre et sur les conditions de cette intégration, notamment en sciences humaines ou en droit et de l'absence d'étude statistique sur le parcours des étudiants sortis du cursus médical ou l’ayant abandonné permettant d’affiner le dispositif de réorientation, afin qu’il soit le plus profitable possible aux étudiants concernés.
Muguette Dini, pour le groupe union centriste, enseignante, s'exprime à la tribune en revenant à l'intérêt de Luc Ferry et Jean-François Mattéi en 2002 à la création d'une année de santé. Elle note que quatre principes fondamentaux sous-tendent la création d’une année commune aux études de médecine, d’odontologie, de maïeutique et de pharmacie: l’instauration d’une indispensable culture commune aux différentes professions de santé (rappelée par Yvon Berland); une intégration dans le cursus global de la formation des professions de santé donc « utile, constructive et apprenante »; l’absence de hiérarchisation des concours et la prévention de l'échec. Elle cite des statistiques établissant que quasiment la moitié des étudiants qui ne sont pas admis en seconde année de médecine ou de pharmacie vont en DEUG sciences et technologies et une autre part importante, environ 30 %, se dirige vers une profession paramédicale. Elle pose la question d’entretiens préalables, de journée nationale d’information dans les lycées et d’opérations « portes ouvertes » dans les facultés et demande des garanties sur les orientations possibles des étudiants en situation d’échec. Vers quelles filières seront-ils orientés ?
François Autain, médecin, au nom du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (CRC-SPG), cite quant à lui le rapport Debouzie demandé par Jack Lang et Bernard Kouchner en 2003 et remis à Jack Lang et Luc Ferry visant les 14 professions de santé à regrouper en une année commune. Il souhaite connaître les grandes lignes des arrêtés d'application, l'intégration des masseurs-kinésithérapeutes et des infirmiers et le changement de dénomination de sage-femme au vu selon lui de l'exercice de plus en masculin de la profession. Il soulève deux questions: la circulaire du 1er août 2008 présente la mesure comme « obligatoire, tant à l’issue du premier semestre que de la première année » alors que le coauteur et rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale indique le 10 décembre 2008 que cette réorientation précoce n’est qu’« une simple faculté » et les étudiants réorientés au premier semestre étant les plus mauvais, leur chance de valider une première année de licence est minime
Béatrice Descamps, apparentée UMP, professeur, analyse le nombre toujours plus important d'étudiants en première année malgré la sélection drastique pour le passage en 2ème année de médecine et pharmacie. En élargissant les débouchés ouverts aux étudiants, il en va d’une réduction du taux d’échec et du nombre de redoublements en première année. Pour elle, rien ne sert d'attendre un an lorsque les premiers mois sont déjà trop difficiles. L'insertion de l'anglais en première année lui semble une très bonne chose.
Gilbert Barbier, chirurgien, Rassemblement Démocratique et Social Européen RDSE, pose une sélection impitoyable et injuste: un étudiant sur cinq réussit à passer en deuxième année de médecine et un sur quatre en pharmacie. Il demande également l'intégration dans cette L1 santé aux kinésithérapeutes et infirmiers. Même si selon lui, un étudiant ayant moins de 6 n'a aucune chance de réussir même en redoublant, il se questionne sur la caractère impératif ou facultatif d'une réorientation en fin de premier semestre. Il propose une sélection dès le baccalauréat tout en avouant le caractère politiquement incorrect. Il regrette que toutes les mesures d'application ne sont pas connues et procèdent du règlement.
Philippe Darniche, pharmacien, non inscrits, avoue qu'il s'agit de réformer le début du parcours des professionnels de santé de notre pays, en permettant aux étudiants qui y sont engagés de se réorienter vers d’autres filières. Pour une meilleure information auprès des lycéens et des étudiants en première année, il propose également le report d'un an de la mise en place de cette réforme.
Christiane Demontès, directrice de centre d'information et d'orientation, socialiste, souligne la nécessité et la pertinence de cette réforme. Elle critique cependant la précipitation et la multitude d'arrêté qui seront pris sans consultation des sénateurs. Elle regrette le maintien unique des sciences dures au premier semestre et se questionne sur la capacité d'accueil en cours d'année de tous les étudiants à réorienter. Selon elle, aucune ligne budgétaire du plan Réussite en Licence n'est consacrée aux études de santé dans la loi de finances pour 2009.
Jean-Pierre Leleux, enseignant en économie, UMP, est le dernier à s'exprimer et fait également remarquer que seuls 13 % des étudiants de première année seront reçus au concours en fin de première année – soit un taux d’échec de 87 % – et 14 % ne réussiront qu’au terme d’une année de redoublement. Tous les autres, soit près de 75 %, découragés ou épuisés par une ou deux années d’un cursus qui s’apparente plus à un parcours du combattant hypersélectif, notamment dans les matières scientifiques, qu’à une véritable acquisition d’un savoir fondamental, doivent repartir à zéro dans leurs études supérieures. Il se félicite de la volonté de briser la notion de hiérarchisation qualitative entre des professions qui font plus l’objet d’un choix par défaut, en fonction de la sélection, que d’un véritable choix professionnel par les étudiants. Il s'interroge sur le caractère obligatoire ou facultatif d'orientation en fin de premier semestre et sur l'adéquation des matières dures en premier semestre puis sur l'intégration des masseurs-kinésithérapeutes.
Serge Lagauche propose de renvoyer le texte en commission pour approfondir les auditions. Elle est rejetée.
De très nombreux amendements – dont la quasi-totalité est déposée par Serge Lagauche - sont rejetés ou demandés à être retirés car étant du domaine réglementaire.
L'amendement majeur de report d'un an de l'application de la réforme est adopté à la quasi-unanimité tout comme celui du report d'un an des réorientations. L'amendement fixant le numerus clausus par université lorsque plusieurs UFR de médecine la compose est également adopté, le président de l'université scindera ce numerus clausus en fonction des effectifs et besoins des UFR concernées (cela s'applique à Bordeaux et Toulouse) La proposition de loi est adoptée. Les socialistes s'abstiennent à défaut de connaître les arrêtés d'application.
Voir le Texte n°1182 n° 1182 de M. Jacques DOMERGUE, député et plusieurs de ses collègues, déposé à l'Assemblée Nationale le 15 octobre 2008, le Rapport n°1318 de M. Jacques DOMERGUE, député, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, déposé le 10 décembre 2008 et le Texte adopté n°217 adopté par l'Assemblée nationale le 16 décembre 2008 puis le Texte n°64 (2008-2009) de M. Jean-Claude ETIENNE déposé au Sénat le 29 octobre 2008 et le Texte n°146 (2008-2009) déposé au Sénat le 18 décembre 2008, le Rapport n°198 (2008-2009) de M. Jean-Claude ETIENNE, fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 4 février 2009 ainsi que l'Avis n°199 (2008-2009) de M. Gérard DÉRIOT, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 4 février 2009, le Texte adopté par la commission le 4 février 2009, l'ensemble des Amendements déposés sur ce texte, le compte-rendu intégral de la Discussion en séance publique le 11 février 2009 et la Petite loi n°52 adopté le 11 février 2009.Le texte a été transmis le 12 février 2009 à l'Assemblée nationale sous le numéro 1452.
PROPOSITION adoptée le 11 février 2009 |
| N° 52 SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009 | |
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PROPOSITION DE LOI modifiée par le sénat portant création d’une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants. | |||
Le Sénat a modifié, en première lecture, la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, dont la teneur suit : | |||
Voir les numéros : Assemblée nationale (13ème législ.) : 1182, 1318 et T.A. 217. Sénat : 146, 64, 198 et 199 (2008-2009). |
Article 1er
I. – L'article L. 631-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 631-1. – I. – La première année des études de santé est commune aux études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de sage-femme. Les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé déterminent par voie réglementaire :
« 1° L'organisation de cette première année des études de santé ;
« 2° Le nombre des étudiants admis dans chacune des filières à l'issue de la première année des études de santé ; ce nombre tient compte des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques et des capacités de formation des établissements concernés. Toutefois, les universités peuvent répartir ce nombre entre plusieurs unités de formation et de recherche pour répondre à des besoins d'organisation et d'amélioration de la pédagogie. Un arrêté détermine les critères de répartition de ce nombre de façon à garantir l'égalité des chances des candidats ;
« 3° Les modalités d'admission des étudiants dans chacune des filières à l'issue de la première année ;
« 4° Les conditions dans lesquelles les étudiants peuvent être réorientés à l'issue du premier semestre de la première année des études de santé ou au terme de celle-ci ainsi que les modalités de leur réinscription ultérieure éventuelle dans cette année d'études.
« II. – 1. Des candidats, justifiant notamment de certains grades, titres ou diplômes, peuvent être admis en deuxième année ou en troisième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme.
« 2. Peuvent également être admis en deuxième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou en première année d'école de sage-femme des étudiants engagés dans les études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme et souhaitant se réorienter dans une filière différente de leur filière d'origine ; cette possibilité de réorientation est ouverte aux étudiants ayant validé au moins deux années d'études dans la filière choisie à l'issue de la première année.
« Les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé arrêtent le nombre, les conditions et les modalités d'admission des étudiants mentionnés aux 1 et 2.
« III. – Le ministre chargé de la santé est associé à toutes les décisions concernant les enseignements médicaux, odontologiques et pharmaceutiques. »
II et III. – Non modifiés ......................................................
Article 2
La présente loi entre en vigueur à compter de l'année universitaire 2010-2011.
La réorientation des étudiants à l'issue du premier semestre de la première année des études de santé ou au terme de celle-ci est mise en place au plus tard à compter de la rentrée universitaire 2012-2013.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 11 février 2009.
Le Président,
Signé : Gérard LARCHER