Chers lecteurs, voici la suite de l'article sur cette thématique (voir le premier article)
Par Olivier SIGMAN, juriste en santé
II-La législation nationale sur la fin de vie
La loi 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs, dite Caillavet, exprime cette continuité via le soulagement de la douleur, l'apaisement de la souffrance psychique, la sauvegarde de la dignité et le soutien de l'entourage.
La loi 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a inséré la notion de vie digne jusqu'à la mort (article L1110-5 du Code de la Santé publique)
La loi 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie dispose d'innovations législatives dans les cas de patients en phase avancée ou terminale et en affection grave et incurable. Par conséquent, les effets secondaires abrégeant la vie sont autorisés lorsque l'effet primaire recherché est celui de soulager les souffrances. Elle insère également l'information du malade de l'utilisation de cet effet secondaire, son inscription dans le dossier médical, la réflexion collégiale et les directives anticipées accompagnées d'une modification à venir de l'article 37 du code de déontologie médicale.
3 décrets ont été rapidement publiés (le 6 février 2006) : celui n° 2006-119 instaure les directives anticipées, celui n° 2006-120 est relatif à la procédure collégiale et celui 2006-122 est en direction des structures. Il est relatif au contenu du projet d'établissement ou de service social ou médico-social en matière de soins palliatifs. Une circulaire en vue de l'organisation des soins palliatifs est parue en date du 25 mars 2008.
Un rapport d'évaluation n°1287 a été remis à la ministre de la santé après de multiples auditions en 2008 afin de faire le jour sur les corrections et aménagements à apporter à la législation actuelle. 20 propositions en ressortent divisées en 4 quatre parties. D'une part, mieux faire connaître la loi dans lequel on trouve la création d'un Obseratoire des pratiques médicales de la fin de vie, en lien avec la Haute Autorité de Santé et un rapport annuel au Parlement, des échanges formalisés et réguliers entre les espaces éthique, les CHU et les parquets généraux; d'autre part, le renforcement des droits des malades dans la continuité des lois de 2002 et 2005 au sein duquel on trouve la collégialité étendue aux patients via les directives anticipées et la personne de confiance et la désignation d'un médecine référent d'unité ou d'équipe mobile de soins palliatifs par région et l'institution de congé d'accompagnement – qui a fait l'objet d'une proposition de loi indiquée ci-dessous. Ensuite, une approche est centrée sur les médecins et les enjeux éthiques du soin avec le développement de l'éthique dans le cursus de formation initiale et continue et la mise en place de chaires de soins palliatifs et enfin l'adaptation de l'organisation du système de soins aux problèmes de la fin de vie via la création d'unité de soins palliatifs avec l'objectif d'une par région en 2010 et une par département en 2013, les structures d'hospitalisation de répit pour soulager les proches et la prise en compte des séjours dans le financement par la tarification à l'activité
La proposition de loi n°1407 de Jean Léonetti et autres députés, votée à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale le 17 février 2009 a permis de mettre en place une indemnité journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie.
Une instance de conseil qui pose une exception
L'avis n°63 du Comité Consultatif National d'Ethique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) émis le 27 janvier 2000 « Arrêt de vie, fin de vie, euthanasie » comporte, en plus de rappeler les dérives incontournables dont disposent à cet égard le code tant pénal que de déontologie et de santé publique, deux éléments majeurs sur cette réflexion de la fin de vie. Tout d'abord, « la valeur de l'interdit du meurtre demeure fondatrice » mais « Face à certaines détresses , lorsque tout espoir thérapeutique est vain et que la souffrance se révèle insupportable, on peut se trouver conduit à prendre en considération le fait que l'être humain surpasse la règle et que la simple sollicitude se révèle parfois comme le dernier moyen de faire face ensemble à l'inéluctable. Cette position peut être alors qualifiée d' engagement solidaire […] Peuvent être évoqués, à titre d'exemples, les cas exceptionnels où la douleur n'est pas maîtrisée en dépit des moyens disponibles; la personne totalement et définitivement dépendante de machines pour vivre, demande à en finir; la personne irrémédiablement privée de capacités relationnelles a demandé à ne pas voir sa vie prolongée; le cas des nouveau-nés autonomes et porteurs de séquelles neurologiques extrêmes incurables dont les parents ont été informés.» . On aperçoit ici toute la difficulté engendrée par la question de la fin de vie, mêlant éthique, morale, juridique et médecine. Si une exception d'euthanasie pourrait être admise, il n'en serait rien pour des cas généraux et la plus grande attention devrait être porté au cas par cas afin d'éviter toutes les dérives possibles de cette manipulation et de ce pouvoir de mort sur un individu.
Un document rédigé par Marie de Hennezel permet d'apprécier la situation actuelle en France tant par la connaissance des textes en vigueur par les professionnels de santé que par les efforts à accomplir sur la fin de vie et les soins palliatifs. Les soins palliatifs sont actuellement insérés dans les schémas régionaux d'organisation des soins III (1 unité par région avec un but d'une par département; 1,7 personnel par lit et un refus de 2 personnes sur 3). Les équipes mobiles ne sont pas en reste avec 1 pour 200 000 habitants avec un but attendu d'une dans chaque hôpital disposant de 400 lits. Le rapport soulève également le problème de la fin de vie dans le cadre d'hospitalisation à domicile. L'auteur proclame la méconnaissance ou l'incompréhension par le milieu médical des textes, notamment, sur l'aspect de collégialité et de pluridisciplinarité, de personne de confiance et de directives anticipées. La conclusion s'étend sur l'information au grand public via le n° azur 0811 020 300 et le slogan: « Accompagner la fin de vie, s'informer, en parler »
Un programme de développement des soins palliatifs fut également développé le 13 juin 2008 couvrant une période jusqu'à 2012. Fin 2007, la France ne comptait que 4 028 lits et 337 équipes mobiles avec un budget consacré de 553 millions d'euros. Le but est de multiplier par 4 les lits de soins de suite et réadapatation. 110 réseaux s'occupent de la fin de vie encadrant 27 500 patients. Entre 2 000 et 2 500 enfants sont concernés par la fin de vie, comprenant une problématique importante sur la néonatalité létale à court et à moyen terme. Des infirmières de nuît doivent de plus en plus être formées pour les soins palliatifs tout comme la formation médicale doit réellement comporter un module sur la fin de vie. Il reste également important dans ce programme d'aider les aidants et les proches.
Le rapport Léonetti n°1287 remis le 28 novembre 2008 fait état des avancées nécessaires sur plusieurs plans: la formation, l'information et la législation comparée.
Les affaires médiatiques n'apaisent pas la réflexion
Les juridictions ont eu à plusieurs reprises à se prononcer sur ce sujet.
Sans remonter des décennies entières, en 1988 Georges Moreau est condamné à 2 ans de prison pour avoir mis fin à la vie de son fils handicapé à coup de fusil. En 1994, c'est René Urvoas qui est par contre acquitté pour avoir mis fin à la vie de son fils handicapé mental. En 1996, Jean-Marie Préfaut se voit condamner à 5 ans d'emprisonnement avec sursis pour avoir tué son fils autiste. Par l'arrêt Duffau du 29 décembre 2000 rendu par le Conseil d'Etat, est déclarée faute déontologique, au sens de l'article 38 du code de déontologie médicale, l'injection de chlorure de potassium chez une patiente en phase terminale. La même année, la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 20 décembre 2000 condamne Christine Malèvre au motif que « l'administration excessive d'un médicament était de nature à entraîner la mort d'un patient et qu'elle en a augmenté la dose sciemment », par conséquent, elle est condamné pour assassinat. Le 23 juin 2003, pour la mort de Paulette Druais par injection de chlorure de potassium, le Dr Laurence Tramois et l'infirmière Chantal Chanel sont condamnées à 1 an de prison. Christine Malèvre se voit condamner le 31 janvier 2003 puis le 16 octobre 2003 à une peine de 12 ans d'emprisonnement en appel.
Vincent Humbert décède le 26 septembre 2003 suite à l'injection de barbiturique après une lettre adressée au chef de l'Etat dans laquelle il le supplie d'accepter sa demande visant l'autorisation de mettre fin à ses jours, demande qui apparaîtra également par la suite dans un cas similaire. Un classement sans suite est effectué mais aboutira à une mission parlementaire menée par Jean Léonetti qui aura pour issue une proposition de loi adoptée rapidement et qui régit ce domaine aujourd'hui (voir supra le développement effectué sur la loi 2005-370)
Le 24 octobre 2006, Léonie Crevel est condamnée à deux ans de prison avec sursis pour le meurtre de sa fille handicapée.
Dernièrement, en 2007, Corine Teysedov, pour avoir tué son fils atteint d'une encéphalite et plongé dans un état végétatif, est condamnée à 5 ans d'emprisonnement assorti de sursis.
Dans une tribune du Monde du 12 mars 2008, Chantal Sébire déclare: « Moi, la seule souffrante, à moi de décider ». Retrouvée morte le 19 mars 2008, Atteinte depuis huit ans d'un esthésioneuroblastome, tumeur évolutive des sinus et des cavités nasales, elle demandait à bénéficier de dix grammes de penthotal et, par conséquent au Chef de l'Etat, le droit de pouvoir anticiper sa mort, tout comme Clara Blanc, atteinte du syndrome d'Enther-Danlos, qui a répondu à une interview très prenante sur LCI en date du 4 avril 2008. Maïa Simon, ainsi qu'André Gorz et son épouse se donnent la mort le 26 septembre 2007 se sachant atteint de maladie incurable.
La mort de Terri Schiavo aux Etats-Unis d'Amérique le 31 mars 2005 et de Welby en Italie le 21 décembre 2006 provoque un rebond d'entrain dans l'opinion générale pour cette question de la prise en charge de la fin de vie, notamment, pour le second cas, pour un patient atteint de dystrophie musculaire.
La législation française est très vaste à nouveau dans le domaine de la fin de vie. D'autres pays avaient préalablement entamé des réflexions sur une légalisation de telle ou telle pratique, c'est ce qui sera abordé dans un dernier article avec les pays voisins et les 3 Etats des Etats-Unis ayant légiféré. Une approche également des religions sur la fin de vie sera brièvement évoquée
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