Le parquet de Paris a requis le renvoi en correctionnelle de six des douze personnes mises en examen dans le dossier de l'hormone de croissance contaminée, qui porte sur la mort d'une centaine de jeunes gens frappés par la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ).
Le dossier va maintenant retourner devant la juge d'instruction du pôle santé publique de Paris, Marie-Odile Bertella-Geffroy, (voir l'article relatif à son explication du pôle) qui doit rendre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. La magistrate n'est pas tenue de suivre les réquisitions du parquet.
Dans son réquisitoire de 221 pages, signé mardi 20 février 2007, le parquet de Paris demande le renvoi en correctionnelle de six responsables de la collecte, de l'extraction, du conditionnement et de la diffusion du produit pour "homicides involontaires, blessures involontaires et tromperie aggravée".
Parmi eux figurent Jean-Claude Job, ex-responsable de l'association France-Hypophyse, chargée de la collecte des hypophyses, et Fernand Dray, ancien responsable de la production de l'hormone de croissance au laboratoire URIA de l'Institut Pasteur, de deux anciens responsables de la pharmacie centrale des Hôpitaux de Paris (PCH), Marc Mollet et Henri Cerceau, ainsi que ceux de Jacques Dangoumau, ex-directeur de la Direction de la pharmacie et du médicament au ministère de la Santé, et d'Elisabeth Mugnier, médecin responsable de la collecte des hypophyses.
Le parquet requiert en revanche des non-lieux pour six autres personnes mises en examen, parmi lesquelles figuraient des médecins qui avaient collecté de l'hypophyse sur des cadavres pour fabriquer l'hormone et des personnes poursuivies pour des délits financiers présumés.
"Ce réquisitoire, qui tire conséquence de l'instruction pénale, correspond pour l'essentiel à l'attente des familles membres de l'Association des victimes de l'hormone de croissance (AVHC)", a expliqué leur avocat, Me Bernard Fau. "L'association va demander au juge de prononcer le renvoi en correctionnelle des personnes visées, sans oublier le volet financier", a-t-il ajouté, en souhaitant qu'un "procès puisse se tenir au plus tard à l'automne prochain".
Dans cette affaire, selon l'AVHC, 109 personnes sont décédées après avoir contracté la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), apparemment à la suite de la prise de lots contaminés au milieu des années 1980.
A l'époque, l'hormone française dite "extractive", destinée à favoriser la croissance de jeunes en déficit hypophysaire, était fabriquée à partir d'hypophyses humaines prélevées sur des cadavres.
A partir de 1985, des scientifiques ont fait état de risques de contamination par la MCJ, liés à l'hormone de croissance.
En France, ce type d'hormone a toutefois été utilisé jusqu'en 1988, jusqu'à son remplacement par un produit de synthèse.
Après une première plainte en 1991 de parents d'un enfant traité à l'hormone de croissance, l'information judiciaire a été ouverte à Paris, le 24 décembre de la même année.
Jalonnée de multiples rebondissements, l'instruction a dû successivement s'intéresser à des "disparitions inexpliquées", à la Pharmacie Centrale des Hôpitaux (PCH), de documents liés au dossier de l'hormone, ou encore aux malversations financières présumées.
Dans une dernière bataille procédurale, à l'été 2004, des mises en examen supplétives pour "tromperie" ont été ajoutées et contestées par une partie des personnes poursuivies devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel, puis en 2005 devant la Cour de cassation.
Les deux juridictions ont finalement donné raison à la juge.