Suite à mon article concernant la présentation par leurs auteurs du rapport sur les causes de cancers en France, voici un compte-rendu.
Le Pr Jean-François Bach, Académie de Médecine a tenu à féliciter l’œuvre collaboratrice des 3 institutions que sont l’Académie de Médecine, l’Académie des Sciences et le Centre International de Recherche sur le Cancer. Il ajoute l’importance considérable de ce rapport (consultable dans sa version intégrale ici en anglais et dans sa version abrégée en français ici ) envers la société médicale mais aussi française en général. Il nous avoue que certains résultats confirment les idées mais d’autres étonnent. Il indique pour terminer que ce rapport apporte un nouvel éclairage sur ce sujet majeur qu’est le cancer et remercie l’ouverture d’esprit de tous les rédacteurs
M. le secrétaire perpétuel de l’académie de Médecine, Jacques-Louis Binet a donné la parole au Pr Peter Boyle, CIRC, qui nous a fait l’honneur de commencer son discours en français. Il a tenu à remercier la participation des 2 Académies à l’élaboration de ce rapport qui a nécessité 2 ans de travail. Selon lui, le but est d’attaquer le problème de la prévention. En anglais pour finir, il nous indique que le rapport se base sur les causes des cancers (l’incidence) et la mortalité par cause de cancer. Il s’agit en outre d’une clarification précise de la situation en France. Il conclut en affirmant que ce n’est que le commencement de la prise de conscience générale des cancers en France. Il rend hommage à notre ancien Président de la République, Jacques Chirac pour son soutien à la recherche sur le cancer. Voir le précédent raport du Dr Boyle sur les fréquences de cancer.
Philippe Autier, CIRC, nous explique la méthodologie appliquée à ce travail. 270 000 cas de cancers ont été répertoriés en 2000, année de référence de ce rapport : 144 000 personnes en sont décédées. Le postulat de départ est que le cancer est du à l’exposition d’un facteur de risque. 3 fractions attribuables sont dégagés : la sélection des facteurs de risque (tabac, alcool, infections, facteurs professionnels, surpoids et obésité, inactivité physique, reproduction et hormones, rayons UV et polluants), la représentation quantitative, la proportion et la prévalence dans la population.
Les agents carcinogènes retenus sont suffisant d’évidence scientifique : ils ont fait l’objet de travaux de recherche et de conférence de consensus par l’ensemble de la communauté scientifique.
Les risques Relatifs sont issus de méta-analyses
Pour tous les facteurs, les données ont été collectées depuis 1985 SAUF pour les THS* où c’est le traitement annuel qui est pris en considération et la méthode de reproduction où une différence peut se constater entre 1980 et 2000
Catherine Hill, FNCLCC et coauteur du rapport, a poursuivi en nous présentant 2 facteurs de risques majeurs : tabac et alcool.
Sur le tabac, 20 000 cas de cancer du poumon et 6 400 des voies ORL ont été diagnostiqués en 2000 pour 34 000 décès soit 24% des décès. Cette répartition reste cependant inégale avec 29 000 pour les hommes et 5 000 pour les femmes
D’après les graphiques présentés, issus du rapport, la consommation moyenne nationale (fumeurs et non fumeurs confondus) était pour les hommes en 1900 comme en 2000 de 4 cigarettes par jour avec un pic atteint en 1965 avec 10 par jour. Concernant les femmes, le début de la consommation se situe en 1940 avec 3 et est descendu sous la barre de 2 en 2000. Il faut signaler que les décès n’apparaissent qu’environ 15 ans après l’apparition d’un cancer et que les effets de l’arrêt du tabac se ressentent dans les 5 à 10 années suivant cet arrêt.
Sur l’alcool, 10 000 décès en sont liés répartis pour 8 200 chez les hommes et 1 700 pour les femmes, ce qui représente 7% des décès liés aux cancers. Le premier cancer dont la cause est le tabac est celui de la bouche (6 000) puis le foie (2 000)
Les graphiques pour la population générale (buveurs et non buveurs confondus) montrent pour les hommes une consommation en 1940 de 9 grammes d’alcool par jour, descendue à 4.5 ; pour les femmes, elle est passée de 3 en 1940 à 0.69 en 2000. Même si l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande un maximum absolu de 3 grammes d’alcool par jour, le risque double avec la prise double d’une dose et il faut ajouter une puissance 5 en fonction de la durée. La recommandation pour lutter contre les cancers est donc la dose ZERO.
Pour conclure, elle termine en nous indiquant que, cumulés, le tabac et l’alcool représentent 28% des cancers (24% et 7% respectivement ne s’ajoutent pas ici) et 80% des cas de cancers potentiellement évitables.
Philippe Autier, CIRC, expose quant à lui le risque infectieux : HVB, HVC, HPV ainsi que le risque lié au surpoids (qui n’apparaîtra que vers 50 ans) et à l’inactivité. On retrouve cette inactivité physique dans 28% des causes de cancers chez l’homme et dans 35% chez la femme
Le THS (Traitement Hormonal Substitutif) a une incidence de 1.9 et la pilule, classée agent carcinogène par l’OMS, une incidence de 1.24 chez des personnes âgées de 15 à 24 ans.
Les Rayonnements UV sont responsables de 5 600 mélanomes dont 4 900 dus à une exposition au soleil. Il s’agit ici de 2% des décès liés au cancer.
Un autre facteur est identifié comme cause de cancer : l’âge de la mère lors de son premier enfant. 41% des femmes ont actuellement (pendant ou hors mariage) leur premier enfant après 29 ans (en 1980, elles n’étaient que 25%)
André Aurengo, membre de l’Académie Nationale de Médecine, détaille la 3ème cause de décès par cancer : les risques professionnels : amiante, poussière de bois, caoutchouc. L’amiante a causé 328 000 décès : elle représente pour l’année 2000 et pour le mésothéliome 558 cas chez les hommes (et 504 décès) et pour le poumon 969 cas (et 862 décès). Cette substance représente à elle seule 3.7% des cancers.
Sur les rayonnements ionisants et le radon, l’étude IRSN de 1982 à 2000 indiquait une dose de 89 Bq/m3, l’étude OQAI 31 Bq/m3. Le risque n’est significatif qu’inférieur à 100
Paolo Boffetta du CIRC détaille le nombre de décès liés au tabagisme passif (92 chez les hommes et 161 chez les femmes) et causés par l’alimentation et la pollution : air, eau, pesticides et source électromagnétique
Le Pr Maurice Tubiana (Académie Nationale de Médecine – Académie des Sciences) conclut cette matinée : il nous rappelle qu’en 1950, la France était agricole et rurale. Ainsi, de nombreux facteurs n’existaient pas. L’effet d’un agent carcinogène est de 15 ans. Il nous fait remarquer que la France possède la plus faible fréquence de cancer pour les hommes mais la plus importante pour les femmes.
La baisse générale des cancers de l’estomac s’explique par la prophylaxie ; celle du col de l’utérus par la meilleure hygiène féminine et l’utilisation des frottis.
Le cancer du poumon n’a pas varié depuis 1950 mais dès 1985, il n’a fait qu’augmenter pour être multiplié par 3 arrivant en 2000. Le cancer du sein a diminué depuis 15 ans.
Chez les hommes, le tabac cause la mort dans 33.4% des cancers, l’alcool pour 9.4%, l’inactivité physique pour 1.6% ; chez les femmes, les mêmes agents sont responsables de 9.6% ; 3% ; 5.5% et le THS de 2.2%
Il termine en soulignant que les données peuvent être sous comme surévaluées. Il recommande une meilleure information et éducation ainsi que des études – européennes si possible – sur des cohortes de la gestation à 60 ans