La proposition de loi 131, portée par une cinquantaine de sénateurs, est relative à la fin de vie et l'aide active à mourir et souhaite mettre en place un nouveau droit de mourir.
Elle fait suite aux très nombreuses propositions de loi sur le sujet de la fin de vie et d'aide active à mourir. on peut ainsi noter les propositions émanant de sénateurs (Proposition 65 de M. Fouché en 2008, 659 de M. Godefroy en 2010, 312 de M. Godefroy en 2012, 586 de M. Courteau en 2012, 623 de M. Fouché en 2012) et de députés (proposition 788 de M. Dupré en 2003, 1395 de M. Martinez en 2004, 1344 de M. Wojciechowski en 2008, 857 de M. Martinez en 2008, 1140 de M. Massoneau en 2013, 228 de M. Schwartzenberg en 2012, 185 de M. Touraine en 2017, 288 de M. Falorni en 2017). NDLR: je fus régulièrement interrogé par des quotidiens régionaux sur ce thème et suis intervenu à un congrès dont mes propos ont été repris dans une revue juridique.
Comment s'effectuera ce droit?
2 procédures sont prévues dans cette proposition de loi. La première serait le suicide assisté par délivrance sur demande d'un patient d'un produit létal et une assistance à l'administration par un médecin ou personne agréée. La seconde serait l'euthanasie sur demande expresse du patient par une mise intentionnelle de fin à la vie pratiquée par un médecin.
Par qui ce droit sera effectué?
Par un médecin.
Cependant, il est instauré une clause de conscience n'obligeant aucun médecin à réaliser cet acte. Cependant, le médecin devra transmettre les coordonnées d'un médecin susceptible de le réaliser. De même, aucun infirmier ne peut être obligé de participer à cette aide active à mourir. Un établissement de santé ne peut refuser que si d'autres peuvent le réaliser.
Quelle sera la procédure?
La demande devra être faite à un médecin. Il lui sera possible de demander conseil dans les 48 heures à un confrère. Les deux médecins rappelleront au demandeur les possibilités thérapeutiques ainsi que les soins palliatifs. Dans les 4 jours, un rapport sera rendu et versé au dossier médical. Le patient devra confirmer son choix par écrit versé au dossier médical. 2 jours de réflexion seront laissés puis le médecin devra aider activement le patient à mourir. Le décès sera réputé de cause naturelle.
Qui sera concerné?
En premier lieu, le texte précise les personnes capables. Pour elles, plusieurs conditions cumulatives devront être présentes:
*même sans diagnostic de décès à brève échéance
*avec une affection, accidentelle ou pathologique, aux caractères graves et incurables avérés:
- infligeant une souffrance physique ou psychique inapaisable qu'elle juge insupportable
OU
- la plaçant dans un état de dépendance qu'elle estime incompatible avec sa dignité
Si la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté et qu'elle a déclaré une personne de confiance, c'est cette personne qui pourra demander cette aide active.
Si le patient a rédigé une directive anticipée, le médecin doit respecter cette directive. La rédaction de directive anticipée est indiquée dans la carte vitale. Un fichier national recensera l'ensemble des directives anticipées. Si la mention d'aide active à mourir n'est pas mentionnée dans la directive anticipée, la personne de confiance ne pourra pas la demander.
A défaut de personne de confiance et de directive anticipée, la proposition de loi fixe une priorité dans les personnes qui peuvent intervenir dans une aide active à mourir. Par priorité, l'équipe interrogera donc le/la partenaire de vie, les enfants majeurs, les parents, les frères et soeurs, les neveux et nièces, les oncles et tantes, les cousins et cousines.
Quel contrôle existera?
Le dossier médical sera constitué de la demande écrite et réitérée du patient ainsi que des rapports des médecins. Un rapport sera également transmis dans les 8 jours du décès à une commission régionale de contrôle des pratiques relative au droit de mourir dans la dignité composé de professionnels de santé, de représentants d'usagers et de personnes qualifiées.
Enfin, la proposition de loi rappelle l'accès universel aux soins palliatifs et la mise en place sous 3 ans d'une unité de soins palliatifs par département en fonction du nombre d'habitants.
N° 131
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2020
PROPOSITION DE LOI
visant à établir le droit à mourir dans la dignité,
présentée
Par Mme Marie-Pierre de LA GONTRIE, MM. Patrick KANNER, Rémi FÉRAUD, Maurice ANTISTE, Mme Viviane ARTIGALAS, MM. David ASSOULINE, Joël BIGOT, Mmes Florence BLATRIX CONTAT, Nicole BONNEFOY, MM. Denis BOUAD, Hussein BOURGI, Mme Isabelle BRIQUET, M. Rémi CARDON, Mmes Marie-Arlette CARLOTTI, Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, MM. Thierry COZIC, Gilbert-Luc DEVINAZ, Vincent ÉBLÉ, Mme Corinne FÉRET, M. Jean-Luc FICHET, Mme Martine FILLEUL, M. Hervé GILLÉ, Mme Laurence HARRIBEY, M. Olivier JACQUIN, Mme Victoire JASMIN, M. Éric KERROUCHE, Mme Annie LE HOUEROU, M. Jean-Yves LECONTE, Mmes Claudine LEPAGE, Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Mme Michelle MEUNIER, M. Jean-Jacques MICHAU, Mme Marie-Pierre MONIER, MM. Franck MONTAUGÉ, Sebastien PLA, Mme Angèle PRÉVILLE, MM. Claude RAYNAL, Christian REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, M. Gilbert ROGER, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Lucien STANZIONE, Jean-Pierre SUEUR, Rachid TEMAL, Jean-Claude TISSOT, Mme Sabine VAN HEGHE et M. Yannick VAUGRENARD,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité
Article 1er
L’article L. 1110-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce droit comprend celui de bénéficier de l’aide active à mourir dans les conditions prévues au présent code et entendue comme : » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° Soit le suicide assisté, qui est la prescription à une personne par un médecin, à la demande expresse de cette personne, d’un produit létal et l’assistance à l’administration de ce produit par un médecin ou une personne agréée ;
« 2° Soit l’euthanasie, qui est le fait par un médecin de mettre fin intentionnellement à la vie d’une personne, à la demande expresse de celle-ci. »
Article 2
Après l’article L. 1110-5-3 du code de la santé publique, sont insérés des articles L. 1110-5-4, L. 1110-5-5 et L. 1110-5-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 1110-5-4. – Toute personne capable, selon la définition donnée par le code civil, en phase avancée ou terminale, même en l’absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d’au moins une affection, accidentelle ou pathologique, aux caractères graves et incurables avérés et infligeant une souffrance physique ou psychique inapaisable qu’elle juge insupportable ou la plaçant dans un état de dépendance qu’elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier dans les conditions prévues au présent titre d’une aide active à mourir.
« La présente disposition s’applique également dans le cas de polypathologies.
« Art. L. 1110-5-5. – Le médecin à qui est présenté une demande d’aide active à mourir s’assure que les conditions prévues à l’article L. 1110-5-4 sont remplies.
« S’il estime que ces conditions sont remplies, il fait appel, pour l’éclairer, dans un délai maximum de quarante-huit heures, à un confrère accepté par la personne concernée ou sa personne de confiance.
« Les deux médecins informent l’intéressé des possibilités thérapeutiques, ainsi que des solutions alternatives en matière d’accompagnement de fin de vie.
« Ils peuvent, s’ils le jugent souhaitable, renouveler l’entretien dans un nouveau délai de quarante-huit heures.
« Les médecins rendent leurs conclusions écrites sur l’état de l’intéressé dans un délai de quatre jours ouvrés au plus à compter de sa demande initiale. Lorsque les médecins concluent que les conditions prévues au même article L. 1110-5-4 sont remplies, l’intéressé doit, s’il persiste, confirmer sa demande d’aide active à mourir.
« Le médecin doit donner suite à cette demande en pratiquant l’aide active à mourir ou en précédant conformément aux dispositions de l’article L. 1110-5-6.
« L’aide active à mourir ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande en milieu hospitalier ou au domicile du patient ou dans les locaux d’une association agréée à cet effet. Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de l’intéressé si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de ce dernier telle que celui-ci la conçoit.
« L’intéressé peut, à tout moment et par tout moyen, révoquer sa demande.
« Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical.
« Dans un délai de huit jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l’aide active à mourir adresse à la commission régionale de contrôle prévue au présent chapitre, un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article. La commission régionale contrôle la validité du protocole.
« Art. L. 1110-5-6. – Un médecin n’est jamais tenu d’apporter lui-même une aide active à mourir.
« Il doit informer, sans délai, l’intéressé de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de la réaliser.
« Aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une aide active à mourir.
« Un établissement de santé privé peut refuser que des aides actives à mourir soient apportées dans ses locaux. Toutefois, ce refus ne peut être opposé par un établissement de santé privé habilité à assurer le service public hospitalier que si d’autres établissements sont en mesure de répondre aux besoins locaux.
« Les catégories d’établissements publics qui sont tenus de disposer des moyens permettant d’apporter une aide active à mourir sont fixées par décret. »
Article 3
Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide active à mourir mise en œuvre selon les conditions et procédures prévues par le code de la santé publique.
Article 4
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 1111-6 est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Toute personne majeure peut désigner la ou les personnes de confiance qui peuvent être consultées au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin.
« La personne de confiance rend compte de la volonté de la personne. Son avis ou son témoignage prévaut sur tout autre. La personne de confiance a accès à son dossier médical.
« Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la ou les personnes désignées. Elle est révisable et révocable à tout moment.
« Les personnes de confiance sont classées par ordre de préférence. Chaque personne de confiance remplace celle qui la précède dans la déclaration en cas de refus, d’empêchement, d’incapacité ou de décès.
« Une personne de confiance peut être un parent, un proche ou le médecin traitant. » ;
2° Au 3° du II de l’article L. 1541-3, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « septième ».
II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 311-5-1 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « au premier alinéa de » sont remplacés par le mot : « à ».
Article 5
L’article L. 1111-11 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-11. – Toute personne capable selon la définition donnée par le code civil peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté.
« Ces directives anticipées expriment les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie. L’absence de mention du souhait de bénéficier de l’aide active à mourir fait obstacle à ce qu’elle soit demandée, le cas échéant, par la personne de confiance désignée en application de l’article L. 1111-6.
« Ces directives sont, à tout moment et par tout moyen, révisables et révocables.
« Elles s’imposent au médecin sans condition de durée.
« Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de tutelle, au sens du chapitre II du titre XI du livre 1er du code civil, elle peut rédiger des directives anticipées avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué ; le tuteur ne peut ni l’assister ni la représenter à cette occasion.
« Le médecin traitant informe ses patients de la possibilité de rédaction de directives anticipées.
« Les directives anticipées sont inscrites sur un registre national automatisé tenu par la Commission nationale de contrôle des pratiques relatives au droit de mourir dans la dignité mentionnée à l’article L. 1111-11-1 du présent code. Toutefois, cet enregistrement ne constitue pas une condition nécessaire pour la validité du document.
« En complément, il est créé un fichier national des directives anticipées géré par un organisme indépendant des autorités médicales. Une association peut être habilitée par arrêté des ministres chargés de la santé et des affaires sociales à gérer ce fichier national. Les autorités médicales ou tous médecins ont l’obligation de consulter ce fichier dès lors qu’une personne est en phase avancée ou terminale d’au moins une affection grave et incurable, ou dans un état de dépendance incompatible avec sa dignité ou est admise dans un service hospitalier.
« La mention des directives anticipées est faite sur la carte électronique individuelle inter-régimes mentionnée à l’article L. 161-31 du code de la sécurité sociale.
« Le document doit être daté. En cas de pluralité de rédactions, seul le dernier document en date est reconnu comme exprimant la volonté de la personne.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
Article 6
Après l’article L. 1111-11 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-11-1. – Il est institué auprès du ministre chargé de la santé, qui en nomme le président, une Commission nationale de contrôle des pratiques relatives au droit de mourir dans la dignité chargée de tenir le registre national automatisé mentionné au septième alinéa de l’article L. 1111-11 et d’émettre des avis et recommandations sur les droits des malades et fins de vie et la mise en œuvre du droit mentionné à l’article 1110-5. Elle est consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à ces droits. Elle participe à l’élaboration du rapport prévu à l’article 10 de la loi n° du visant à établir le droit à mourir dans la dignité.
« La commission nationale mentionnée au premier alinéa du présent article est composée de professionnels de santé, de représentants d’usagers et de personnes qualifiées nommés dans des conditions fixées par décret.
« Le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou son représentant, peut assister en tant qu’observateur aux réunions de la commission nationale portant sur le registre national automatisé. »
Article 7
L’article L. 1111-12 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-12. – Lorsque la personne mentionnée à l’article L. 1110-5-3 n’est plus en état d’exprimer une demande libre et éclairée, en l’absence de directives anticipées, et en l’absence de désignation d’une personne de confiance, pour établir et respecter sa volonté, le témoignage de la famille est demandé.
« L’ordre de primauté à respecter est le suivant :
« 1° Le partenaire de vie ;
« 2° Les enfants majeurs, conjointement ;
« 3° Les parents, conjointement ;
« 4° Les frères et sœurs, conjointement ;
« 5° Les neveux et nièces, conjointement ;
« 6° Les oncles et tantes, conjointement ;
« 7° Les cousins et cousines, conjointement. »
Article 8
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa de l’article L. 1111-13, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1111-13-1, » ;
2° La section 2 du chapitre Ier du titre Ier de la première partie est complétée par un article L. 1111-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-13-1. – Lorsqu’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté a rédigé des directives anticipées mentionnées à l’article L. 1111-11 dans lesquelles figure son souhait de bénéficier de l’aide active à mourir, la personne de confiance saisit le médecin ce cette demande. Après examen de la personne concernée, et étude de son dossier, le médecin établit dans un délai de quatre jours au plus à compter de la saisine pour avis, un rapport indiquant si l’état de la personne concernée correspond aux directives anticipées. Dans ce cas, le médecin doit donner suite à la demande en pratiquant l’aide active à mourir ou en procédant conformément aux dispositions de l’article L. 1110-5-6. »
Article 9
L’article L. 1110-9 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-9. – Toute personne en fin de vie, dont l’état le requiert et qui le demande, a un droit universel d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Ce droit devra être effectif dans les trois ans suivant la publication de la loi.
« Chaque département français et territoire d’outre-mer doit être pourvu d’unités de soins palliatifs en proportion du nombre de ses habitants dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
Article 10
Le Gouvernement présente annuellement un rapport sur l’application de la présente loi et sur la mise en œuvre de l’accès universel aux soins palliatifs.