Comme je vous l'avais indiqué, je vais mettre en ligne l'article que j'ai rédigé pour Healthnews sur la thématique de la fin de vie (il sera ici par commodité de lecture découpé en 3 articles)
Par Olivier SIGMAN, juriste en santé
Introduction
L'affaire d'Eluana Englaro a ravivé en Italie la difficulté de la fin de vie. Dans le coma depuis 17 ans et ayant apparemment émis précédemment son souhait, son père s'est battu et obtenu de la justice le droit de faire cesser alimentation et hydratation. L'Eglise catholique – à travers SE le cardinal Javier Lozano Barragan - et le gouvernement italien – à travers le ministre de la santé Maurizio Sacconi et le ministre de l'Intérieur Alfredo Montovano - se sont émus contre cette autorisation de mettre fin à la vie de cette jeune fille. Affolé par un acte médical qui ôtera la vie à une personne grâce à une décision de justice, le gouvernement italien va faire la maximum afin de promulguer une loi excluant toute solution juridique en ce sens.
4 termes sont souvent émis dans cette situation: euthanasie, fin de vie, soins palliatifs, suicide assisté.
Examinons exactement ce qu'il en est à travers l'histoire, la législation nationale et internationale.
Propos liminaire
Dans un dictionnaire courant, l'euthanasie est « le procédé par lequel on anticipe ou provoque la mort d'une personne à l'agonie » tandis que le dictionnaire permanent de bioéthique en donne cette définition: « mort douce, bonne et sans souffrance et qui peut être active (administration délibérée d'un produit mortel) ou passive (arrêts des traitements quand l'état de santé est douloureux, pénible et inconfortable et dans un cas désespéré) »
Fin de vie et soins palliatifs sont deux notions qui sont intimement liées.
I-Le questionnement autour de la fin de vie au cours des dernières années.
Edouard Rist écrivait dès 1941 dans Morale de la profession du médecin que « le principe même d'une euthanasie, fut-il légalisé, est en absolue contradiction avec celui qui gouverne notre profession: sauvegarder la vie, entretenir la flamme vacillante de la vie jusqu'au dernier souffle » Ainsi, on observe indubitablement le rejet absolu du monde médical à mettre un terme à la vie d'un patient. Qu'en est-il justement si le patient souhaite mourir?
Lors de la Conférence Internationale des Ordres des Médecins en 1976, il est déclaré que légaliser l'euthanasie reviendrait à ce que « le malade ait à se demander si l'injection qu'on lui fait ou le comprimé qu'on lui donne est destiné à le soulager ou l'achever » Autoriser l'euthanasie permettrait, selon les médecins, des dérives possibles et une peur chez l'ensemble des patients.
Les actes législatifs et rapports sur cette épineuse ligne rouge
Plusieurs propositions de loi ont donc été émises afin de remédier à cette situation.
La première, n°301, le 6 avril 1978, a été déposée par le sénateur, Henri Caillavet par laquelle il « souhaite réveiller le stoïcisme et la lucidité de ceux qui peuvent tomber dans le coma » et se révolte devant « le tragique spectacle d'un corps convulsé ou étale et inerte » et demande d' « armer le corps devant le douleur » Immédiatement, une tribune dans le Monde signée par Michel Landa le 17 janvier 1979 demande « le droit de mourir dignement avec lucidité et tendresse »
Le Conseil national de l'Ordre des médecins s'exprime également en 1985 : « Aider à mourir, oui s'il s'agit d'apaiser les douleurs et l'angoisse, d'apporter le plus possible de confort et de réconfort, s'abstenir d'un traitement pénible. Non, si on entend suggérer d'achever le malade ou de l'aider à se suicider »
Un rapport sur l'aide aux mourants en 1985 soulignant le respect et à la dignité et au soulagement des souffrances a permis l'édiction d'une circulaire le 26 août 1986 relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en phase terminale.
Cela ne suffisait pas à Marc Boeuf, député, qui rédige en 1989 la proposition n°312 rendant licite la déclaration de volonté de mourir dans la dignité. Non adoptée, elle visait d'une part à considérer que la demande de mourir est légale lorsque l'existence demeure inacceptable et d'autre part de ne pas sanctionner l'aide au suicide.
En 2003, Jean-Paul Dupré a rédigé également la proposition n°788 pour une opportunité de mettre fin à la vie. Selon lui, la demande de délivrance est le dernier acte de liberté.
Entre temps, l'Organisation Mondiale de la Santé a, en 1990, rappelé que « les soins palliatifs devaient devenir une plus grande priorité que les pressions pour légaliser l'euthanasie », ce à quoi la Conférence internationale des ordres des médecins a également déclaré en 1991: « l'accès aux soins palliatifs de qualité constitue un droit des malades et un devoir des soignants. Tout acte provoquant délibérément la mort est contraire à l'éthique médical »
Après avoir brossé un historique tant des propositions législatives que des rapports d'institutions spécialisées, un deuxième article va détailler la législation existante en France à l'heure actuelle et les ajustements qui sont proposés sur ce sujet
II-La législation nationale sur la fin de vie
La loi 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs, dite Caillavet, exprime cette continuité via le soulagement de la douleur, l'apaisement de la souffrance psychique, la sauvegarde de la dignité et le soutien de l'entourage.
La loi 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a inséré la notion de vie digne jusqu'à la mort (article L1110-5 du Code de la Santé publique)
La loi 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie dispose d'innovations législatives dans les cas de patients en phase avancée ou terminale et en affection grave et incurable. Par conséquent, les effets secondaires abrégeant la vie sont autorisés lorsque l'effet primaire recherché est celui de soulager les souffrances. Elle insère également l'information du malade de l'utilisation de cet effet secondaire, son inscription dans le dossier médical, la réflexion collégiale et les directives anticipées accompagnées d'une modification à venir de l'article 37 du code de déontologie médicale.
3 décrets ont été rapidement publiés (le 6 février 2006) : celui n° 2006-119 instaure les directives anticipées, celui n° 2006-120 est relatif à la procédure collégiale et celui 2006-122 est en direction des structures. Il est relatif au contenu du projet d'établissement ou de service social ou médico-social en matière de soins palliatifs. Une circulaire en vue de l'organisation des soins palliatifs est parue en date du 25 mars 2008.
Un rapport d'évaluation n°1287 a été remis à la ministre de la santé après de multiples auditions en 2008 afin de faire le jour sur les corrections et aménagements à apporter à la législation actuelle. 20 propositions en ressortent divisées en 4 quatre parties. D'une part, mieux faire connaître la loi dans lequel on trouve la création d'un Obseratoire des pratiques médicales de la fin de vie, en lien avec la Haute Autorité de Santé et un rapport annuel au Parlement, des échanges formalisés et réguliers entre les espaces éthique, les CHU et les parquets généraux; d'autre part, le renforcement des droits des malades dans la continuité des lois de 2002 et 2005 au sein duquel on trouve la collégialité étendue aux patients via les directives anticipées et la personne de confiance et la désignation d'un médecine référent d'unité ou d'équipe mobile de soins palliatifs par région et l'institution de congé d'accompagnement – qui a fait l'objet d'une proposition de loi indiquée ci-dessous. Ensuite, une approche est centrée sur les médecins et les enjeux éthiques du soin avec le développement de l'éthique dans le cursus de formation initiale et continue et la mise en place de chaires de soins palliatifs et enfin l'adaptation de l'organisation du système de soins aux problèmes de la fin de vie via la création d'unité de soins palliatifs avec l'objectif d'une par région en 2010 et une par département en 2013, les structures d'hospitalisation de répit pour soulager les proches et la prise en compte des séjours dans le financement par la tarification à l'activité
La proposition de loi n°1407 de Jean Léonetti et autres députés, votée à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale le 17 février 2009 a permis de mettre en place une indemnité journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie.
Une instance de conseil qui pose une exception
L'avis n°63 du Comité Consultatif National d'Ethique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) émis le 27 janvier 2000 « Arrêt de vie, fin de vie, euthanasie » comporte, en plus de rappeler les dérives incontournables dont disposent à cet égard le code tant pénal que de déontologie et de santé publique, deux éléments majeurs sur cette réflexion de la fin de vie. Tout d'abord, « la valeur de l'interdit du meurtre demeure fondatrice » mais « Face à certaines détresses , lorsque tout espoir thérapeutique est vain et que la souffrance se révèle insupportable, on peut se trouver conduit à prendre en considération le fait que l'être humain surpasse la règle et que la simple sollicitude se révèle parfois comme le dernier moyen de faire face ensemble à l'inéluctable. Cette position peut être alors qualifiée d' engagement solidaire […] Peuvent être évoqués, à titre d'exemples, les cas exceptionnels où la douleur n'est pas maîtrisée en dépit des moyens disponibles; la personne totalement et définitivement dépendante de machines pour vivre, demande à en finir; la personne irrémédiablement privée de capacités relationnelles a demandé à ne pas voir sa vie prolongée; le cas des nouveau-nés autonomes et porteurs de séquelles neurologiques extrêmes incurables dont les parents ont été informés.» . On aperçoit ici toute la difficulté engendrée par la question de la fin de vie, mêlant éthique, morale, juridique et médecine. Si une exception d'euthanasie pourrait être admise, il n'en serait rien pour des cas généraux et la plus grande attention devrait être porté au cas par cas afin d'éviter toutes les dérives possibles de cette manipulation et de ce pouvoir de mort sur un individu.
Un document rédigé par Marie de Hennezel permet d'apprécier la situation actuelle en France tant par la connaissance des textes en vigueur par les professionnels de santé que par les efforts à accomplir sur la fin de vie et les soins palliatifs. Les soins palliatifs sont actuellement insérés dans les schémas régionaux d'organisation des soins III (1 unité par région avec un but d'une par département; 1,7 personnel par lit et un refus de 2 personnes sur 3). Les équipes mobiles ne sont pas en reste avec 1 pour 200 000 habitants avec un but attendu d'une dans chaque hôpital disposant de 400 lits. Le rapport soulève également le problème de la fin de vie dans le cadre d'hospitalisation à domicile. L'auteur proclame la méconnaissance ou l'incompréhension par le milieu médical des textes, notamment, sur l'aspect de collégialité et de pluridisciplinarité, de personne de confiance et de directives anticipées. La conclusion s'étend sur l'information au grand public via le n° azur 0811 020 300 et le slogan: « Accompagner la fin de vie, s'informer, en parler »
Un programme de développement des soins palliatifs fut également développé le 13 juin 2008 couvrant une période jusqu'à 2012. Fin 2007, la France ne comptait que 4 028 lits et 337 équipes mobiles avec un budget consacré de 553 millions d'euros. Le but est de multiplier par 4 les lits de soins de suite et réadapatation. 110 réseaux s'occupent de la fin de vie encadrant 27 500 patients. Entre 2 000 et 2 500 enfants sont concernés par la fin de vie, comprenant une problématique importante sur la néonatalité létale à court et à moyen terme. Des infirmières de nuît doivent de plus en plus être formées pour les soins palliatifs tout comme la formation médicale doit réellement comporter un module sur la fin de vie. Il reste également important dans ce programme d'aider les aidants et les proches.
Le rapport Léonetti n°1287 remis le 28 novembre 2008 fait état des avancées nécessaires sur plusieurs plans: la formation, l'information et la législation comparée.
Les affaires médiatiques n'apaisent pas la réflexion
Les juridictions ont eu à plusieurs reprises à se prononcer sur ce sujet.
Sans remonter des décennies entières, en 1988 Georges Moreau est condamné à 2 ans de prison pour avoir mis fin à la vie de son fils handicapé à coup de fusil. En 1994, c'est René Urvoas qui est par contre acquitté pour avoir mis fin à la vie de son fils handicapé mental. En 1996, Jean-Marie Préfaut se voit condamner à 5 ans d'emprisonnement avec sursis pour avoir tué son fils autiste. Par l'arrêt Duffau du 29 décembre 2000 rendu par le Conseil d'Etat, est déclarée faute déontologique, au sens de l'article 38 du code de déontologie médicale, l'injection de chlorure de potassium chez une patiente en phase terminale.
La même année, la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 20 décembre 2000 condamne Christine Malèvre au motif que « l'administration excessive d'un médicament était de nature à entraîner la mort d'un patient et qu'elle en a augmenté la dose sciemment », par conséquent, elle est condamné pour assassinat. Le 23 juin 2003, pour la mort de Paulette Druais par injection de chlorure de potassium, le Dr Laurence Tramois et l'infirmière Chantal Chanel sont condamnées à 1 an de prison. Christine Malèvre se voit condamner le 31 janvier 2003 puis le 16 octobre 2003 à une peine de 12 ans d'emprisonnement en appel.
Vincent Humbert décède le 26 septembre 2003 suite à l'injection de barbiturique après une lettre adressée au chef de l'Etat dans laquelle il le supplie d'accepter sa demande visant l'autorisation de mettre fin à ses jours, demande qui apparaîtra également par la suite dans un cas similaire. Un classement sans suite est effectué mais aboutira à une mission parlementaire menée par Jean Léonetti qui aura pour issue une proposition de loi adoptée rapidement et qui régit ce domaine aujourd'hui (voir supra le développement effectué sur la loi 2005-370)
Le 24 octobre 2006, Léonie Crevel est condamnée à deux ans de prison avec sursis pour le meurtre de sa fille handicapée.
Dernièrement, en 2007, Corine Teysedov, pour avoir tué son fils atteint d'une encéphalite et plongé dans un état végétatif, est condamnée à 5 ans d'emprisonnement assorti de sursis.
Dans une tribune du Monde du 12 mars 2008, Chantal Sébire déclare: « Moi, la seule souffrante, à moi de décider ». Retrouvée morte le 19 mars 2008, Atteinte depuis huit ans d'un esthésioneuroblastome, tumeur évolutive des sinus et des cavités nasales, elle demandait à bénéficier de dix grammes de penthotal et, par conséquent au Chef de l'Etat, le droit de pouvoir anticiper sa mort, tout comme Clara Blanc, atteinte du syndrome d'Enther-Danlos, qui a répondu à une interview très prenante sur LCI en date du 4 avril 2008.
Maïa Simon, ainsi qu'André Gorz et son épouse se donnent la mort le 26 septembre 2007 se sachant atteint de maladie incurable.
La mort de Terri Schiavo aux Etats-Unis d'Amérique le 31 mars 2005 et de Welby en Italie le 21 décembre 2006 provoque un rebond d'entrain dans l'opinion générale pour cette question de la prise en charge de la fin de vie, notamment, pour le second cas, pour un patient atteint de dystrophie musculaire.
La législation française est très vaste à nouveau dans le domaine de la fin de vie. D'autres pays avaient préalablement entamé des réflexions sur une légalisation de telle ou telle pratique, c'est ce qui sera abordé dans un dernier article avec les pays voisins et les 2 Etats des Etats-Unis ayant légiféré. Une approche également des religions sur la fin de vie sera brièvement évoquée
III- Et hors de France?
A l'extérieur de nos contrées, l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe avait pris, dès 1999, une résolution 1418 relative à la protection des droits de l'homme et de la dignité des malades incurables et des mourants, laquelle dispose « le désir de mourir exprimé ne peut en soi servir de justification légale à l'exécution d'actions destinées à entraîner la mort »
Le Parlement européen en 1990 se voit interpeller par le Pr. Schwartzenberg sur: « bonne mort ou meurtre […] Rien ne peut être pratiqué sans le consentement. S'il est présent, c'est du suicide assisté »
La Cour Européenne des Droits de l'Homme se prononce également sur la fin de vue dans sa décision Pretty contre Royaume-Uni le 29 avril 2002.
L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe rejette en septembre 2003 un rapport sur l'euthanasie qui apporte un détail des législations existantes en Belgique – via un comité – et aux Pays-Bas – via une commission fédérale. Ce rapport pose le problème du « carrefour entre la vie et la mort, le libre choix et la croyance religieuse » et proposait une légalisation dès lors que « l'acte est destiné à mettre fin à la vie d'un malade qui a répété son souhait, avec une volonté mûrement réfléchie et afin de soulager des souffrances intolérables »
Aux Pays-Bas, une loi du 12 avril 2001 relative à l'interruption de la vie sur demande et l'aide au suicide est entrée en vigueur le 1er mars 2002. Elle ne dépénalise pas l'euthanasie ni l'aide au suicide mais les encadre sous réserve du respect de 5 critères : une demande volontaire et réfléchie d'une personne de plus de 16 ans, des souffrances insupportables et sans perspective d'amélioration, une information de la situation et des perspectives, la conclusion entre le patient et son médecin d'aucune autre solution raisonnable et la consultation et l'avis d'un médecin indépendant. La clause d'excuse pénale est, au moment de la mort, vérifié via des médecins consultants, les Procureurs de la Reine et 5 commissions de contrôles présidées par des juristes. Sur 135 000 décès enregistrés en 2005 aux Pays-Bas, 1,7 % (2 300) l’ont été par suite d’euthanasie, 0,1 % après une aide au suicide, 24 % après des soins et/ou une sédation palliative et 15 % après un renoncement à un prolongement de traitement. L’écrasante majorité des signalements (1 768) correspond à des patients atteints d’un cancer et à des euthanasies pratiquées au domicile du patient (1 500). Aucune poursuite pénale n’a été exercée à l’encontre d’un médecin sur les fondements des articles 293 (euthanasie) et 294 (aide au suicide assisté) du code pénal. En parallèle, la pratique de la sédation terminale avait été appliquée à 8,2 % des décès en 2005, chiffre à rapprocher des 1,7 % d’euthanasies. De fait on constate une augmentation considérable de la prescription d’ampoules de Midazolam 5 mg par les pharmacies de ville pour les patients en fin de vie à domicile. Elle est passée de 0 entre 1997 à 4 800 en 2006.
En Belgique, la loi du 28 mai 2002 dépénalise l'euthanasie et l'encadre via la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie (CFCEE). Cette dernière, composée de seize membres désignés sur la base de leurs connaissances et de leur expérience: huit sont docteurs en médecine dont quatre au moins sont professeurs dans une université belge, quatre sont professeurs de droit dans une université belge ou avocats et quatre sont issus des milieux concernés par la problématique des patients atteints d’une maladie incurable, examine une fois par mois les formulaires d’enregistrement complétés et communiqués par les médecins qui ont pratiqué une euthanasie et vérifie si les conditions et la procédure prévues par la loi ont été respectées. Pour un patient majeur et conscient, ayant réitéré sa demande de manière volontaire, réfléchie et répétée, sans pression extérieure, l’affection doit être incurable et grave et la souffrance (physique ou psychique) est constante, insupportable et inapaisable. Cette loi prévoit également l'équivalent des nos directives anticipées, via l'arrêté royal du 2 avril 2003. Une extension a été promulguée pour les pharmaciens délivrant des substances euthanasiques par la loi du 10 novembre 2005.
Les cas où le décès était prévisible à brève échéance représentaient 93 % des cas. l’euthanasie est moins fréquemment pratiquée au domicile du patient et l’euthanasie par déclaration anticipée est moins répandue en Wallonie qu’en Flandre. Les soins palliatifs, même s'ils sont désignés par « supportifs » sont présents à l'esprit du législateur mais pas avec la même attention (loi du 14 juin 2002)
En Suisse, la définition de l'euthanasie est polysémique mais ne recouvre que des cas de mort par un tiers.
Trois cas peuvent se présenter et n'amènent pas les mêmes conséquences pénales. Premièrement, l’euthanasie active directe survient quand un tiers tue directement et volontairement une personne.
Punissable en droit suisse (art. 111 du code pénal: 5 ans de prison au moins), les peines sont moins lourdes si elle est réalisée à la demande expresse « sérieuse et instante » du patient et un « mobile honorable, notamment la pitié » (trois ans de prison au plus - article 114). Deuxième cas, l’euthanasie active indirecte consiste à administrer des substances (par exemple de la morphine) afin de soulager des souffrances même si elles peuvent également écourter la vie. Ce « retrait thérapeutique » est autorisé car l’élément « intentionnel » (au sens de l’art. 111 CP) en est absent. Cela revient au double effet de la loi française. Enfin, l’euthanasie passive, par la renonciation à la mise en oeuvre de mesures de maintien en vie ou par leur arrêt, est autorisée sous conditions de recourir, entre autres, aux directives anticipées, au « représentant thérapeutique » (1) ou à tout autre indice laissant apparaître la volonté du patient. Le suicide est défini par le fait que l’auteur de l’acte est sa victime. Son incitation ou assistance sont régies par l’article 115 du code pénal suisse de cinq ans de privation de liberté au plus ou d'une peine pécuniaire. 0,43 % des décès en Suisse sont des suicides assistés.
Le Grand-Duché du Luxembourg entame une réflexion sur la fin de vie à travers la proposition de loi «sur le droit de mourir en dignité par l’euthanasie et l’assistance au suicide » de M. Jean Huss, député et vice-président de l’ADMD luxembourgeoise ainsi que par Mme Lydie Err et le projet de loi relatif aux soins palliatifs, à la directive anticipée et à l’accompagnement de fin de vie, avec un avis du Conseil d'Etat du 7 octobre 2008.
Outre-Atlantique, une législation et légalisation par référendum
Jeudi 5 mars entrait en vigueur dans l'Etat de Washington la loi « mort dans la dignité » Initiative 1000 approuvée par référendum en novembre 2008 par près de 60% des électeurs.
Déjà, en 1997, l’Oregon fut le premier État à légaliser le suicide assisté: Oregon death with dignity Act. A ce jour, 401 personnes, en général atteintes d’un cancer, y ont fait le choix de demander à leurs médecins d’abréger leur vie. Ce texte permet, comme dans l’Oregon voisin, à des médecins de rédiger des ordonnances de doses mortelles de médicaments pour des patients ayant moins de six mois à vivre.
Des garanties supplémentaires ont été mises en place par rapport à la loi de l'Oregon afin d'éviter des dérives. C'est ainsi que les patients doivent être majeurs et résidents permanents dans l’État, en avoir fait la demande oralement à deux reprises, puis par écrit, avec deux témoins sans relation avec le patient qu'elle soit familiale ou de toute autre nature. Le médecin traitant pourra cependant être un témoin.
Deux expertises médicales sont également nécessaires pour confirmer les deux causes d'autorisation: un le patient en phase terminale et une espérance de vie maximale de six mois. La loi laisse toutefois la liberté de conscience à tous les professionnels de santé de pratiquer ce suicide assisté.
Une ordonnance sera rédigée pour dispenser les médicaments et une copie de celle-ci devra être déposée au ministère de la Santé de l'État à des finalités statistiques et anonymes pour créer un rapport annuel sur la manière dont la loi est utilisée.
Aux Etats-Unis d'Amérique, la santé est de la compétence des États, comme l'a souligné en 2006 la Cour suprême en indiquant que "les décisions en termes de pratiques médicales, y compris l’euthanasie, ne relevaient pas du Congrès dans la capitale fédérale".
Un troisième Etat américain en voie de légaliser cette pratique
Après l’État de Washington, le Montana voisin pourrait suivre : un tribunal a récemment jugé que des patients en phase terminale avaient le droit de se suicider avec l’aide de praticiens. L’affaire est désormais devant la cour suprême de l’État, qui devrait se prononcer cette année.
En Décembre 2008, un juge du Montana a annulé une loi fédérale interdisant le suicide assisté par le médecin dans une décision portant sur une affaire impliquant un homme atteint d'un cancer en phase terminale.
Cette décision est actuellement pendante devant la Cour suprême du Montana. Dans le Montana, les médecins sont autorisés à prescrire, en attendant l'appel de la décision, mais parce qu'aucune procédure pour établir des rapports n'est prévue, il est impossible de savoir exactement ce qui et fait.
Les législateurs de Californie ont présenté un projet de loi fondé sur le droit de l'Oregon en matière d'euthanasie. Le Compassion and choices a été introduit pour la première fois en 2005 et réintroduit en Février 2007, mais a été abandonné en Juin 2007.
La fin de vie, la religion et l'éthique
La fin de vie est confrontée également au regard de la religion. Le 3 avril 2007, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et le Grand rabbin de Paris, David Messas, affirment leur opposition absolue à l'euthanasie: "Le commandement biblique 'Tu ne tueras point' exige de la famille et des soignants de ne pas chercher à hâter la mort du malade, (...) ni de demander l'aide d'autrui dans cet objectif", rappellent les deux hommes. "En nous appuyant sur ce commandement, nous exprimons une opposition très ferme à toute forme d'assistance au suicide et à tout acte d'euthanasie". "la sollicitude due à nos frères et soeurs gravement malades ou même agonisants, 'en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable' selon les termes de la loi, exige de s'employer à porter remède à leurs souffrances" par le biais des soins palliatifs.
L'Instruction Donum Vitae du 22 février 1987, rédigé par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, présidée par SE le Cardinal Joseph Ratzinger, traitait de la condition de la personne humaine.
L'Encyclique de Sa Sainteté le pape Jean-Paul II Evangelum Vitae sur la valeur et l'inviolabilité de la vie humaine du 25 mars 1995 en reprend des thématiques. Récemment, l'Instruction Dignitas Personae du 8 septembre 2008 sur certaines questions de bioéthique s'attarde à détailler tant les questions soulevées par la procréations que celle des embryons congelés et détruits.
Enfin, il est important de rappeler que les Pays-Bas, Etat ayant autorisé le suicide assisté ont vu le nombre de demandes diminuer, passant de 3500 en 2001 à 2325 en 2005.
Plusieurs voix s'élèvent régulièrement à chaque cas, certes tragique et émouvant, sur une légalisation plus élargie; d'autres préfèrent la réflexion casuistique afin d'éviter et prévenir toutes dérives.
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Juriste en droit de la santé et de la biomédecine, Olivier Sigman a effectué deux années de Premier Cycle des Etudes Médicales (PCEM1) à l'Université Paris V René Descartes et est titulaire d’un master de droit.
Âgé de 27 ans seulement et fort d’un verbe et d’une plume pour le moins absorbants, ce jeune juriste n’est autre que le Vice-Président de l'Université Paris Descartes (85 boulevard Saint-Germain, Paris 6ème).
Depuis 2004, il est Rapporteur de la commission bioéthique et droit de la santé du Barreau de Paris et membre de la Société Française et Francophone d'Ethique Médicale (SFFEM)
Olivier Sigman est également Membre titulaire en qualité de "personne qualifiée en raison des compétences juridiques" (collège II) du Comité de Protection des Personnes (CPP) Ile-de-France III (Hôpital Tarnier, 89 rue d'Assas, Paris 6ème), mais aussi Membre du Conseil d'administration et Secrétaire Général adjoint de la Conférence nationale des Comités de Protection des Personnes (CNCP) (Hôtel Dieu, 1 place de l'Hôpital, 69288 Lyon, cedex 02)
Il intervient régulièrement dans l'émission Ca vous regarde diffusée sur La Chaîne Parlementaire – LCP, au sujet de thématiques de santé actuelles comme l’obésité ou l’alcool chez les jeunes. Son engagement auprès des jeunes se traduit de même par son élection au Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire (CEVU) de l'Université Paris Descartes, ainsi que par son mandat à la Présidence de l'European Law Student Association (ELSA) de Paris (10 avenue Pierre Larousse 92240 Malakoff) en 2008.
Il participe également aux réunions de la Chaire santé de l'Institut d'Etudes Politiques (Science Po) Paris
Internaute averti, symbole de modernité, Olivier Sigman contribue au rayonnement et à la diffusion du droit sur la toile, via un blog consacré au droit de la santé et de la biomédecine dont il assure le développement et la mise à jour depuis 2006. DR. Reproduction sous condition d'autorisation préalable