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Fin de vie, soins palliatifs et euthanasie - article n°3/3

Voici la dernière partie de l'article sur cette thématique (relire la première et deuxième partie)

Par Olivier SIGMAN, juriste en santé


III- Et hors de France?

A l'extérieur de nos contrées, l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe avait pris, dès 1999, une résolution 1418 relative à la protection des droits de l'homme et de la dignité des malades incurables et des mourants, laquelle dispose « le désir de mourir exprimé ne peut en soi servir de justification légale à l'exécution d'actions destinées à entraîner la mort »

Le Parlement européen en 1990 se voit interpeller par le Pr. Schwartzenberg sur: « bonne mort ou meurtre […] Rien ne peut être pratiqué sans le consentement. S'il est présent, c'est du suicide assisté »

La Cour Européenne des Droits de l'Homme se prononce également sur la fin de vue dans sa décision Pretty contre Royaume-Uni le 29 avril 2002.

L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe rejette en septembre 2003 un rapport sur l'euthanasie qui apporte un détail des législations existantes en Belgique – via un comité – et aux Pays-Bas – via une commission fédérale. Ce rapport pose le problème du « carrefour entre la vie et la mort, le libre choix et la croyance religieuse » et proposait une légalisation dès lors que « l'acte est destiné à mettre fin à la vie d'un malade qui a répété son souhait, avec une volonté mûrement réfléchie et afin de soulager des souffrances intolérables »

 

Aux Pays-Bas, une loi du 12 avril 2001 relative à l'interruption de la vie sur demande et l'aide au suicide est entrée en vigueur le 1er mars 2002. Elle ne dépénalise pas l'euthanasie ni l'aide au suicide mais les encadre sous réserve du respect de 5 critères : une demande volontaire et réfléchie d'une personne de plus de 16 ans, des souffrances insupportables et sans perspective d'amélioration, une information de la situation et des perspectives, la conclusion entre le patient et son médecin d'aucune autre solution raisonnable et la consultation et l'avis d'un médecin indépendant. La clause d'excuse pénale est, au moment de la mort, vérifié via des médecins consultants, les Procureurs de la Reine et 5 commissions de contrôles présidées par des juristes. Sur 135 000 décès enregistrés en 2005 aux Pays-Bas, 1,7 % (2 300) l’ont été par suite d’euthanasie, 0,1 % après une aide au suicide, 24 % après des soins et/ou une sédation palliative et 15 % après un renoncement à un prolongement de traitement. L’écrasante majorité des signalements (1 768) correspond à des patients atteints d’un cancer et à des euthanasies pratiquées au domicile du patient (1 500). Aucune poursuite pénale n’a été exercée à l’encontre d’un médecin sur les fondements des articles 293 (euthanasie) et 294 (aide au suicide assisté) du code pénal. En parallèle, la pratique de la sédation terminale avait été appliquée à 8,2 % des décès en 2005, chiffre à rapprocher des 1,7 % d’euthanasies. De fait on constate une augmentation considérable de la prescription d’ampoules de Midazolam 5 mg par les pharmacies de ville pour les patients en fin de vie à domicile. Elle est passée de 0 entre 1997 à 4 800 en 2006.

 

En Belgique, la loi du 28 mai 2002 dépénalise l'euthanasie et l'encadre via la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie (CFCEE). Cette dernière, composée de seize membres désignés sur la base de leurs connaissances et de leur expérience: huit sont docteurs en médecine dont quatre au moins sont professeurs dans une université belge, quatre sont professeurs de droit dans une université belge ou avocats et quatre sont issus des milieux concernés par la problématique des patients atteints d’une maladie incurable, examine une fois par mois les formulaires d’enregistrement complétés et communiqués par les médecins qui ont pratiqué une euthanasie et vérifie si les conditions et la procédure prévues par la loi ont été respectées. Pour un patient majeur et conscient, ayant réitéré sa demande de manière volontaire, réfléchie et répétée, sans pression extérieure, l’affection doit être incurable et grave et la souffrance (physique ou psychique) est constante, insupportable et inapaisable. Cette loi prévoit également l'équivalent des nos directives anticipées, via l'arrêté royal du 2 avril 2003. Une extension a été promulguée pour les pharmaciens délivrant des substances euthanasiques par la loi du 10 novembre 2005. Les cas où le décès était prévisible à brève échéance représentaient 93 % des cas. l’euthanasie est moins fréquemment pratiquée au domicile du patient et l’euthanasie par déclaration anticipée est moins répandue en Wallonie qu’en Flandre. Les soins palliatifs, même s'ils sont désignés par « supportifs » sont présents à l'esprit du législateur mais pas avec la même attention (loi du 14 juin 2002)

 

En Suisse, la définition de l'euthanasie est polysémique mais ne recouvre que des cas de mort par un tiers. Trois cas peuvent se présenter et n'amènent pas les mêmes conséquences pénales. Premièrement, l’euthanasie active directe survient quand un tiers tue directement et volontairement une personne. Punissable en droit suisse (art. 111 du code pénal: 5 ans de prison au moins), les peines sont moins lourdes si elle est réalisée à la demande expresse « sérieuse et instante » du patient et un « mobile honorable, notamment la pitié » (trois ans de prison au plus - article 114). Deuxième cas, l’euthanasie active indirecte consiste à administrer des substances (par exemple de la morphine) afin de soulager des souffrances même si elles peuvent également écourter la vie. Ce « retrait thérapeutique » est autorisé car l’élément « intentionnel » (au sens de l’art. 111 CP) en est absent. Cela revient au double effet de la loi française. Enfin, l’euthanasie passive, par la renonciation à la mise en oeuvre de mesures de maintien en vie ou par leur arrêt, est autorisée sous conditions de recourir, entre autres, aux directives anticipées, au « représentant thérapeutique » (1) ou à tout autre indice laissant apparaître la volonté du patient. Le suicide est défini par le fait que l’auteur de l’acte est sa victime. Son incitation ou assistance sont régies par l’article 115 du code pénal suisse de cinq ans de privation de liberté au plus ou d'une peine pécuniaire. 0,43 % des décès en Suisse sont des suicides assistés.

 

Le Grand-Duché du Luxembourg entame une réflexion sur la fin de vie à travers la proposition de loi « sur le droit de mourir en dignité par l’euthanasie et l’assistance au suicide » de M. Jean Huss, député et vice-président de l’ADMD luxembourgeoise ainsi que par Mme Lydie Err et le projet de loi relatif aux soins palliatifs, à la directive anticipée et à l’accompagnement de fin de vie, avec un avis du Conseil d'Etat du 7 octobre 2008.

 

Outre-Atlantique, une législation et légalisation par référendum

Jeudi 5 mars entrait en vigueur dans l'Etat de Washington la loi « mort dans la dignité » Initiative 1000 approuvée par référendum en novembre 2008 par près de 60% des électeurs.

 

Déjà, en 1997, l’Oregon fut le premier État à légaliser le suicide assisté: Oregon death with dignity Act. A ce jour, 401 personnes, en général atteintes d’un cancer, y ont fait le choix de demander à leurs médecins d’abréger leur vie. Ce texte permet, comme dans l’Oregon voisin, à des médecins de rédiger des ordonnances de doses mortelles de médicaments pour des patients ayant moins de six mois à vivre.

Des garanties supplémentaires ont été mises en place par rapport à la loi de l'Oregon afin d'éviter des dérives. C'est ainsi que les patients doivent être majeurs et résidents permanents dans l’État, en avoir fait la demande oralement à deux reprises, puis par écrit, avec deux témoins sans relation avec le patient qu'elle soit familiale ou de toute autre nature. Le médecin traitant pourra cependant être un témoin.

Deux expertises médicales sont également nécessaires pour confirmer les deux causes d'autorisation: un le patient en phase terminale et une espérance de vie maximale de six mois. La loi laisse toutefois la liberté de conscience à tous les professionnels de santé de pratiquer ce suicide assisté.

Une ordonnance sera rédigée pour dispenser les médicaments et une copie de celle-ci devra être déposée au ministère de la Santé de l'État à des finalités statistiques et anonymes pour créer un rapport annuel sur la manière dont la loi est utilisée.

Aux Etats-Unis d'Amérique, la santé est de la compétence des États, comme l'a souligné en 2006 la Cour suprême en indiquant que "les décisions en termes de pratiques médicales, y compris l’euthanasie, ne relevaient pas du Congrès dans la capitale fédérale".

 

Un troisième Etat américain en voie de légaliser cette pratique

Après l’État de Washington, le Montana voisin pourrait suivre : un tribunal a récemment jugé que des patients en phase terminale avaient le droit de se suicider avec l’aide de praticiens. L’affaire est désormais devant la cour suprême de l’État, qui devrait se prononcer cette année.

En Décembre 2008, un juge du Montana a annulé une loi fédérale interdisant le suicide assisté par le médecin dans une décision portant sur une affaire impliquant un homme atteint d'un cancer en phase terminale.

Cette décision est actuellement pendante devant la Cour suprême du Montana. Dans le Montana, les médecins sont autorisés à prescrire, en attendant l'appel de la décision, mais parce qu'aucune procédure pour établir des rapports n'est prévue, il est impossible de savoir exactement ce qui et fait.

Les législateurs de Californie ont présenté un projet de loi fondé sur le droit de l'Oregon en matière d'euthanasie. Le Compassion and choices a été introduit pour la première fois en 2005 et réintroduit en Février 2007, mais a été abandonné en Juin 2007.

 

La fin de vie, la religion et l'éthique

La fin de vie est confrontée également au regard de la religion. Le 3 avril 2007, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et le Grand rabbin de Paris, David Messas, affirment leur opposition absolue à l'euthanasie: "Le commandement biblique 'Tu ne tueras point' exige de la famille et des soignants de ne pas chercher à hâter la mort du malade, (...) ni de demander l'aide d'autrui dans cet objectif", rappellent les deux hommes. "En nous appuyant sur ce commandement, nous exprimons une opposition très ferme à toute forme d'assistance au suicide et à tout acte d'euthanasie". "la sollicitude due à nos frères et soeurs gravement malades ou même agonisants, 'en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable' selon les termes de la loi, exige de s'employer à porter remède à leurs souffrances" par le biais des soins palliatifs.

L'Instruction Donum Vitae du 22 février 1987, rédigé par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, présidée par SE le Cardinal Joseph Ratzinger, traitait de la condition de la personne humaine. L'Encyclique de Sa Sainteté le pape Jean-Paul II Evangelum Vitae sur la valeur et l'inviolabilité de la vie humaine du 25 mars 1995 en reprend des thématiques. Récemment, l'Instruction Dignitas Personae du 8 septembre 2008 sur certaines questions de bioéthique s'attarde à détailler tant les questions soulevées par la procréations que celle des embryons congelés et détruits.

 

Enfin, il est important de rappeler que les Pays-Bas, Etat ayant autorisé le suicide assisté ont vu le nombre de demandes diminuer, passant de 3500 en 2001 à 2325 en 2005.

Plusieurs voix s'élèvent régulièrement à chaque cas, certes tragique et émouvant, sur une légalisation plus élargie; d'autres préfèrent la réflexion casuistique afin d'éviter et prévenir toutes dérives.

DR. Reproduction sous condition d'autorisation préalable

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E
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> OUI à<br /> l'aide au suicide, mais NON à l'euthanasie !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Au sujet de la différence entre l'euthanasie et l'aide au suicide, il faut distinguer entre les arguments juridiques, éthiques et<br /> religieux. On ne peut pas simplement affirmer sans nuance qu'il n'existe pas de différence entre les deux : dans un cas c'est le patient lui-même qui s'enlève la vie (aide au suicide) alors que<br /> dans l'autre c'est le médecin qui la retire. Il faut d'abord préciser sur quel terrain (juridique, éthique ou religieux) on tire notre argumentation. Si l'on se situe sur le terrain de l'éthique,<br /> on peut raisonnablement soutenir qu'il n'existe pas de différence. Cependant, si l'on se situe sur le terrain juridique, il existe toute une différence entre l'euthanasie (qualifié de meurtre au<br /> premier degré dont la peine minimale est l'emprisonnement à perpétuité) et l'aide au suicide (qui ne constitue pas un meurtre, ni un homicide et dont la peine maximale est de 14 ans<br /> d'emprisonnement). Dans le cas de l'aide au suicide, la cause de la mort est le suicide du patient et l'aide au suicide constitue d'une certaine manière une forme de complicité. Mais comme la<br /> tentative de suicide a été décriminalisée au Canada en 1972 (et en 1810 en France), cette complicité ne fait aucun sens, car il ne peut exister qu'une complicité que s'il existe une infraction<br /> principale. Or le suicide (ou tentative de suicide) n'est plus une infraction depuis 1972. Donc il ne peut logiquement y avoir de complicité au suicide. Cette infraction de l'aide au suicide est<br /> donc un non-sens.<br /> <br /> En revanche, l'euthanasie volontaire est présentement considérée comme un meurtre au premier degré. Le médecin tue son patient (à sa demande) par compassion afin de soulager ses douleurs et<br /> souffrances. Il y a ici une transgression à l'un des principes éthiques et juridiques des plus fondamentaux à savoir l'interdiction de tuer ou de porter atteinte à la vie d'autrui. Nos sociétés<br /> démocratiques reposent sur le principe que nul ne peut retirer la vie à autrui. Le contrat social « a pour fin la conservation des contractants » et la protection de la vie a toujours fondé le<br /> tissu social. On a d'ailleurs aboli la peine de mort en 1976 (et en 1981 en France) ! Si l'euthanasie volontaire (à la demande du patient souffrant) peut, dans certaines circonstances, se<br /> justifier éthiquement, on ne peut, par raccourcit de l'esprit, conclure que l'euthanasie doit être légalisée ou décriminalisée. La légalisation ou la décriminalisation d'un acte exige la prise en<br /> compte des conséquences sociales que cette légalisation ou cette décriminalisation peut engendrer. Les indéniables risques d'abus (surtout pour les personnes faibles et vulnérables qui ne sont<br /> pas en mesure d'exprimer leur volonté) et les risques d'érosion de l'ethos social par la reconnaissance de cette pratique sont des facteurs qui doivent être pris en compte. Les risques de pente<br /> glissante de l'euthanasie volontaire (à la demande du patient apte) à l'euthanasie non volontaire (sans le consentement du patient inapte) ou involontaire (sans égard ou à l'encontre du<br /> consentement du patient apte) sont bien réels comme le confirme la Commission de réforme du droit au Canada qui affirme :<br /> <br /> « Il existe, tout d'abord, un danger réel que la procédure mise au<br /> point pour permettre de tuer ceux qui se sentent un fardeau pour<br /> eux-mêmes, ne soit détournée progressivement de son but premier,<br /> et ne serve aussi éventuellement à éliminer ceux qui sont un<br /> fardeau pour les autres ou pour la société. C'est là l'argument dit du<br /> doigt dans l'engrenage qui, pour être connu, n'en est pas moins<br /> réel. Il existe aussi le danger que, dans bien des cas, le<br /> consentement à l'euthanasie ne soit pas vraiment un acte<br /> parfaitement libre et volontaire »<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Eric Folot<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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