La proposition de loi constitutionnelle prévoit la possibilité qu'un parlementaire puisse être remplacé par son suppléant lorsqu'il est temporairement indisponible, notamment en raison de congé maternité et paternité et congé longue maladie
N° 956
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 mars 2023.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
visant à autoriser le remplacement des députés indisponibles
en raison d’un congé maternité ou d’un congé longue maladie,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Karine LEBON, Mathilde HIGNET, Eva SAS, Guy BRICOUT, Emeline K/BIDI, Frédéric MAILLOT, Sébastien JUMEL, Elsa FAUCILLON, Moetai BROTHERSON, Jiovanny WILLIAM, Soumya BOUROUAHA, Steve CHAILLOUX, Jean‑Marc TELLIER, Jean‑Victor CASTOR, Davy RIMANE, Tematai LE GAYIC, Marcellin NADEAU, Fabien ROUSSEL, Ségolène AMIOT, Rodrigo ARENAS, Manuel BOMPARD, Jean‑François COULOMME, Karen ERODI, Emmanuel FERNANDES, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Arnaud LE GALL, Charlotte LEDUC, Damien MAUDET, Jean‑Hugues RATENON, Michel SALA, Andrée TAURINYA, Paul VANNIER, Julien BAYOU, Marie‑Charlotte GARIN, Hubert JULIEN‑LAFERRIÈRE, Francesca PASQUINI, Sébastien PEYTAVIE, Jean‑Claude RAUX, Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Sophie TAILLÉ‑POLIAN, Christian BAPTISTE, Elie CALIFER, Fatiha KELOUA HACHI, Philippe NAILLET, Isabelle SANTIAGO, Nathalie BASSIRE, Béatrice DESCAMPS, Max MATHIASIN, Olivier SERVA, Paul CHRISTOPHE,
Député‑e‑s.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat ont été créés, ils ont été pensés par des hommes et pour des hommes. Si au cours du temps les différentes Constitutions ont permis d’adapter le Parlement et de l’inscrire dans la modernité de la société, la dernière en date n’avait pas anticipé les changements majeurs qu’allait connaître le paysage politique du pays.
Car depuis 1958, fort heureusement, les femmes ont conquis de nombreux droits. Aujourd’hui, bien que la part des femmes ait reculé depuis la précédente législature, l’Assemblée nationale est composée de 37 % de femmes et de 63 % d’hommes. Notre assemblée s’est également rajeunie, avec une moyenne d’âge de 49 ans.
Depuis le début de la XVIe législature, trois femmes ont donné naissance à des enfants. Ces heureux événements concerneront peut‑être encore certaines d’entre nous les années à venir. Donner naissance à un enfant nécessite forcément de s’absenter durant la durée du congé maternité de l’Assemblée nationale ou du Sénat.
Ces absences sont plus importantes lorsque cette situation concerne une élue ultramarine ou représentante des Français de l’étranger. L’éloignement, les longues heures de trajet en avion de la circonscription au Parlement, rendent très difficile la poursuite du mandat durant les derniers mois de grossesse et les premiers mois de l’enfant.
Or, lorsqu’une femme députée ou sénatrice s’absente pour cause de congé maternité, la Constitution ne permet pour le moment pas qu’elle soit remplacée dans ses fonctions par son suppléant ou sa suppléante, élu.e pourtant au même moment qu’elle.
De manière fort révélatrice, le règlement de notre assemblée ne mentionne même pas le congé maternité comme ouvrant droit à une délégation de vote. Seuls sont spécifiés : la maladie, l’accident ou l’événement familial grave empêchant le parlementaire de se déplacer ; une mission temporaire confiée par le gouvernement ; le service militaire accompli en temps de paix ou en temps de guerre (!) ; la participation aux travaux des assemblées internationales en vertu d’une désignation faite par l’Assemblée nationale ou le Sénat ; en cas de session extraordinaire, absence de la métropole ; et enfin les cas de force majeure appréciés par décision des bureaux des assemblées.
Notre assemblée doit être le reflet de la société. Nous devons nous adapter à l’évolution de celle‑ci. Le remplacement des élues absentes pour cause de congé maternité, qui n’est, rappelons‑le, pas une maladie, semble s’imposer pour avancer vers l’égalité.
Mais l’absence d’un parlementaire peut aussi être causée par des événements malheureux.
Nul n’est épargné par la maladie. Une absence d’un député ou d’un sénateur pour longue maladie entraîne, là encore, l’absence de représentation d’un territoire au sein des chambres parlementaires.
La Constitution ne permet en effet pas non plus le remplacement du parlementaire absent pour cause de longue maladie, alors même que l’impossibilité de participer aux travaux parlementaires peut durer plusieurs années. Pourtant, son suppléant est susceptible de le remplacer en cas de fonction gouvernementale, de décès ou d’élection à un autre mandat incompatible avec la fonction de parlementaire.
L’absence prolongée d’un député ou sénateur est pénalisante pour le travail en cours. Le suppléant d’un parlementaire absent pour cause de longue maladie ou de congé maternité devrait pouvoir siéger en lieu et place de son titulaire pour que la voix de la circonscription ou du territoire soit représentée et entendue. Ces dispositions permettraient de renforcer la représentation nationale et d’accorder au suppléant élu, pleinement et bénévolement investi dans les missions qui lui sont confiées, la possibilité d’assurer la continuité démocratique.
Il existe un silence assourdissant à ce sujet. Silence qu’ont tenté de briser Eva Sas, dès 2013, Bérangère Abba et Guy Bricout en 2018 et Mathilde Hignet en 2022. Ces propositions visaient à inclure l’empêchement provisoire, tel que le congé maternité ou de longue maladie, dans les situations permettant au parlementaire d’être remplacé dans ses fonctions par la personne avec qui il a été élu. L’amendement de Mme Abba avait d’ailleurs été adopté en commission. Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité de leurs travaux et se veut transpartisane.
L’article unique de cette proposition de loi constitutionnelle intègre à l’article 25 de la Constitution la possibilité pour les parlementaires de se faire remplacer par la personne élue en même temps qu’eux à cet effet pour cause d’indisponibilité provisoire.
Cette proposition de loi constitutionnelle sera associée à une proposition de loi organique modifiant les articles du code électoral et visant à préciser les types d’indisponibilité, tels que le congé maternité et le congé de longue maladie, ouvrant droit à la possibilité de remplacement des parlementaires, ainsi que le délai au‑delà duquel le remplacement prendra effet, sous réserve de l’accord du parlementaire et de la disponibilité du suppléant. Cette loi organique permettra également de préciser la non‑automaticité du remplacement et ainsi de répondre aux inquiétudes relatives aux situations particulières, notamment celles concernant les incompatibilités. Enfin, une proposition de résolution visant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale viendra compléter cet arsenal législatif.
Il est plus que temps de faire évoluer nos institutions à ce sujet. Il en va de la juste représentation des citoyens, il en va de l’évolution de la société, il en va de l’évolution du droit des femmes et des personnes malades.
proposition de loi constitutionnelle
Article unique
À la fin du deuxième alinéa de l’article 25 de la Constitution, les mots : « ou leur remplacement temporaire en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales » sont remplacés par les mots : « , leur remplacement temporaire en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales ou la possibilité de leur remplacement temporaire dans le cas d’indisponibilité provisoire ».