Atelier Bioéthique et Droit de la santé
Rapport de la séance du 15 novembre 2005 autour de M. Jean de Kervasdoué, Professeur d’économie de la santé au Conservatoire National des Arts et Métiers et Agnès Schmitz Schweitzer, Avocat à la Cour, sur le thème « Dossier médical personnel (DMP) et réseaux de santé : de nouveaux outils de coordinations de soins »
L’intitulé fut modifié par l’invité : DMP et réseaux de soins, bel avenir, un futur immédiat agité. Le sujet était placé.
Un bref rappel de données nous a été fourni pour que nous parlions tous du même sujet avec les mêmes bases. 20 000 revues médicales existent dont seules 3 000 dites « sérieuses » car comportant un comité de lecture. Chaque mois, 25 000 nouveaux articles sont publiés. 8 000 médicaments et 800 actes de biologie existent. Tandis qu’en France, une ordonnance comporte environ 14 lignes de médicament, aux Etats-Unis d’Amérique, il n’y a en moyenne que 5. De 10, les spécialités médicales sont aujourd’hui 57 et 184 métiers de la santé sont recensés par la Direction de l’Organisation de la Sécurité Sociale.
Aux Etats-Unis d’Amérique, des Health Maintenance Organisation (HMO) ont vu le jour dès 1924 : il s’agit d’organismes d’assurance maladie et d’organisation des soins. On peut les considérer comme les ancêtres des réseaux mais ici, un contrôle est instauré. En France, les réseaux et « filière des soins » sont définis dans l’article 6 de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 – l’une des ordonnances Juppé. Les réseaux ont deux origines : Direction Générale de la Santé pour des réseaux spécialisés sur des pathologies (diabète, SIDA) ou Direction de la Sécurité Sociale.
I-Les réseaux de soins
Les réseaux constituent une famille de contrats. Les acteurs sont les patients, les institutions ou professionnels de santé et les financeurs (régimes obligatoire et complémentaire). Le but est de coordonner la prise en charge et d’effectuer une meilleure dépense, d’exercer une double activité de contrôle des membres et d’observer le coût de la gestion du risque. Actuellement, la dépense moyenne de santé d’un français est de 2 700 euros / an. Après cette brève introduction, le cadre juridique des réseaux, appuyé sur les dispositions de l’article L6321-1 du Code de la Santé Publique, nous a été explicité :
1)Mission et définition : Favoriser l’accès aux soins, la coordination, la continuité et l’interdisciplinarité ; Assurer une prise en charge adaptée à travers l’éducation la prévention, le diagnostic et les soins ; Participer à des actions de santé publique et procéder à des évaluations pour garantir la qualité.
Sont membres les professionnels de santé libéraux, les médecins du travail, les établissements de santé privés ou publics, les associations d’usagers. En aucun cas, les industries, les financeurs et les patients ne peuvent en faire partie.
Les actes du réseau sont la convention constitutive (D766-1-5) qui a une valeur contractuelle contraignante entre les membres du réseau et qui interdit la personnalité morale et la charte du réseau (D766-1-4) qui est obligatoirement signé par tous les membres, s’impose à chaque intervenant, est non négociable et pose l’adhésion aux principes éthiques fondamentaux. Ces documents n’ont pas à être communiqués à l’autorité de tutelle. Le document d’information (D766-1-3) est remis au patient avec comme annexes les deux documents précédents. La signature vaut preuve de consentement de l’usager de rentrer dans le réseau.
2)Encadrement juridique : Le réseau ne possède pas la personnalité morale mais la structure juridique définie à l’article L6321-2 du même code la possède : il peut s’agir d’un Groupement d’Intérêt Economique ou Public ou d’une association type loi 1901 mais pas de Société Civile Professionnelle ou de Société d’Exercice Libérale ou de société commerciale. Il n’y a pas d’identité entre la structure juridique et le réseau pour les membres constituant l’un et l’autre.
3)Fonctionnement : Les droits des usagers sont respectés, la représentation des usagers n’est pas obligatoire, le financement est assuré par la collectivité territoriale et l’Objectif Nationale de Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM). Un rapport d’activité doit être remis chaque année concernant les atteintes des objectifs, la satisfaction, les coûts et l’impact du réseau.
4)Fiscalité : Comme le réseau ne possède pas la personnalité juridique, c’est la structure juridique qui sera imposable.
5)La responsabilité dans le réseau : Elle ne se substitue pas à la responsabilité des intervenants. Chaque intervenant est volontaire. Il n’y a aucune incidence sur la responsabilité juridique. La personne morale doit souscrire une assurance
II-Le DMP
1)Loi de 2004 : Les données sont celles relatives à la prévention, au diagnostic et aux soins (L1111-8). Un hébergeur devra être agréé au 1er janvier 2007.
2)Fonctionnement : Chaque professionnel doit reporter dans le DMP les consultations, les comptes rendus d’hospitalisations… le patient doit donner son accord à chaque fois au praticien.
3)Accès : Il est limité par la volonté du patient. Il est interdit pour la conclusion de contrats d’assurance et d’accès aux médecins du travail. La sanction est prévue à l’article 226-13 du code pénal.
4)Les questions en suspens : Qui le maintient ? Quelle est sa responsabilité? Quels sont les investissements ? les coûts de fonctionnement ? Comment y accède-t-on ? Quelle sécurité y attacher ? Par qui est-il consultable ? et modifiable ?
5)Les problèmes actuels : La culture française est orale, moins de 5% des hôpitaux des services ont un début de dossier. Les dossiers médicaux papiers sont pour la plupart médiocres. Même au sein de l’AP-HP, le patient n’a pas qu’un seul numéro d’identifiant. La télétransmission qui devait être sanctionnée dès 2000 n’est toujours pas généralisée.
6)Les motivations : La charge de travail revient au praticien et l’avantage est au financeur.
Le dossier peut être assimilé à une « grande corbeille à papier » selon l’intervenant.
Les USA consacrent 400 dollars par personne et par an pour la tenue du DMP.
Les DMP qui fonctionnent bien sont ceux qui concernaient déjà des dossiers médicaux papiers bien tenus, principalement dans les domaines spécialisés comme le cancer et le SIDA.
Votre fidèle rapporteur.
Voir le rapport de la précédente séance de la commission bioéthique et droit de la santé du barreau de Paris sur la santé et le tourisme.